Ce texte propose une plongée dans une psychothérapie où l’agrippement du patient à une réalité objective décourageante a fait travailler la fonction « enzymatique » de la rêverie du couple thérapeutique d’une manière tout à fait imprévue, ainsi que certains éléments du cadre.
Crime de lâcheté et châtiment de culpabilité
Ce matin-là, je fus saisi par la culpabilité en repensant à l’homme endormi que je venais de contourner au milieu du trottoir. J’avais évité cet homme exactement comme on évite une émotion dangereuse sur sa route, en regardant ailleurs pour l’oublier au plus vite. Mais il ne voulut pas en rester là et revint me demander des comptes au moment où j’ouvrais en grand les volets de mon cabinet. Ce fut, je crois, l’air glacial du dehors, comme redécouvert de l’intérieur de ce bureau dont la tiédeur stagnante n’avait servi à personne pendant des heures, qui le rappela à mon souvenir. Cet homme était sans abri au sens le plus littéral du terme : pas un renfoncement, pas un auvent où réfugier son dénuement pour la nuit. Seule, une plaque de métal chauffant un peu les cartons trempés sous son duvet tentait de l’abriter « par en dessous » et de lui offrir les quelques degrés qui le maintenaient probablement en vie.
Une formule d’urbanisme cynique et impitoyable, entendue il y a longtemps, revint alors frapper mon esprit : aménagement dissuasif. Un aménagement dissuasif désigne un appendice architectural visant à dissuader un sans-abri, et parfois une bande d’adolescents, de s’installer là où l’on ne souhaite pas les voir. La créativité dans le domaine semble infinie, comme jadis en matière de torture : bancs fractionnés, bornes coniques, plans inclinés, pointes en métal, ultrasons… Sentant ma colère tendre vers le…
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