En partant de la Conférence d’Introduction à la Psychanalyse de Hélène Suarez-Labat pour la Société de Psychanalyse de Paris, Mathieu Petit-Garnier revient sur les destins de l'expression motrice de l'affect dans l'autisme.
La conférence d’introduction à la psychanalyse du 15 juin 2022 d’Hélène Suarez-Labat est une manifestation vivifiante de ce qu’André Green a défini comme pensée clinique. Le psychanalyste penseur des états limites proposait d’envisager la psychanalyse comme « un mode original et spécifique de rationalité issu de l’expérience pratique ». C’est dans cette filiation que s’inscrit le travail d’Hélène Suarez-Labat auprès d’enfants et d’adolescents autistes.
Reconnaître les mécanismes de protection et la déqualification de l’affect
Bien qu’André Green n’ait pas spécifiquement écrit sur l’autisme, H. Suarez-Labat retient sa description chez certains patients d’une déshabitation de leur corps, sorte d’encapsulation. Les craintes d’effraction ou d’arrachement vécues dans la relation à l’autre conduisent ces personnes à désinvestir l’affect et à se réfugier dans un espace interne confiné, secret et inatteignable, univers de sensations suscitées pour elles-mêmes. André Green lui-même rapproche sa description de celle faite par la psychanalyste anglaise Frances Tustin des formes autistiques qui sous-tendent les stéréotypies ou les atypicités sensorielles des autistes. La création continue de sensations intenses et spécifiques fournit une forme appauvrie, mais stable à la pulsionnalité détachée de son lien à l’autre. Sans ce recours à l’autosensualité, la pulsion ne serait plus qu’excitation déliée de tout ancrage corporel, quantité en quête de forme, débordante et traumatique. Ces mécanismes de protection, qui maintiennent le sentiment continu d’exister, sont à distinguer des mécanismes de défense qui concernent eux les buts pulsionnels.
Freud a montré que, dans la névrose, lorsqu’une pensée est inconciliable avec les exigences du Surmoi, le mécanisme du refoulement sépare l’affect de la…