A l’orée de ce vingt et unième siècle, et après deux décennies remarquables qui ont vu littéralement exploser les recherches dans le champ -jusque là confiné- de la neuro-psychologie infantile, une question de fond taraude toujours, néanmoins, les milieux avertis de la psychopathologie infantile : l’hyperactivité pathologique de l’enfant, en tant qu’entité clinique spécifique existe-t-elle vraiment ? Ou n’est-elle -comme beaucoup le voudrait encore - qu’un mythe échafaudé par quelques “brigands” pour excuser la prescription d’amphétamines à des enfants dont le comportement perturbateur dérange l’adulte ?
En filigrane de cette interrogation, on perçoit que chez nombre de nos confrères ne se joue pas tant la question du statut étiopathogénique de l’instabilité infantile que celle des ses modalités de prise en charge. Car après tout, et s’il ne s’agit que d’une simple et banale manifestation symptomatique de surface, pourquoi espérer l’amender par quelques médications “miraculeuses” alors que celle-ci ne peut faire sens qu’en lien avec la compréhension de l’organisation psychique du sujet et à l’évolution de ses modalités relationnelles ? Dans un fonctionnement sociétal de plus en plus dominé par “l’agir”, l’illusion d’une quelconque rédemption de ses actes à travers un traitement à visée purement comportementale paraît - il est vrai -plus tentante et moins coûteuse que le nécessaire, et parfois douloureux, effort d’élaboration psychique des conduites avec les remises en causes qu’il ne manque pas d’impliquer.
De fait et probablement plus qu’aucune autre pathologie de l’enfant, l’hyperactivité est devenue la figure emblématique d’une opposition idéologique entre deux visions causales des phénomènes psycho-comportementaux : la première, en référence au modèle “psychanalytique freudien”, confère à l’instabilité psychomotrice une intention-nalité cachée, relevant d’un déterminisme essentiellement inter-subjectif et répondant à une logique affective inconsciente; la seconde, au contraire, voit dans l’hyperactivité débordante et stérile…