Cher Michel Soulé
article

Cher Michel Soulé

La guidance infantile de l’Institut de Puériculture de Paris, boulevard Brune avait six ans ou peut-être huit quand je suivais en tant qu’étudiante les cours donnés par vous dans une salle annexe, cours dont je sortais toujours amusée parfois hilare, me répétant les anecdotes de notre prof, redevenue intelligente et confirmée dans ma vocation à m’occuper de jeunes enfants. Un poste de psychologue se libérait à la guidance… j’étais la jeune étudiante qui s’occupait tous les soirs du fils de…un
garçon suivi par vous. Par cet enfant nous nous connaissions depuis longtemps donc vous m’adop­­­tiez ! Travailler avec vous exigeait une grande rigueur et une disponibilité constante en retour on était assuré de votre confiance totale.

Votre goût pour la recherche et l’innovation vous permettait d’affirmer qu’un temps dans votre service devait se partager entre une clinique rigoureuse, difficile et un temps carte blanche dans l’un de ces services. Rarement vous vous opposiez à une initiative qui vous apparaissait comme porteuse, c’est ainsi que vous acceptiez que je suive – hors hôpital de Jour- trois enfants autistes en traitement psychanalytique à quatre séances par semaine et que nous confrontions nos idées … A mon retour de congé de maternité alors que je discutais avec vous de l’allaitement maternel et des difficultés que j’avais pu rencontrer l’idée vous vint d’une recherche sur l’allaitement maternel, puis j’eu votre accord pour créer un groupe de mères allaitantes au sein d’une maternité : c’est dire qu’aucune idée ne se perdait et combien votre curiosité était inlassable.

Vous parliez peu de votre travail de psychanalyste auprès des adultes si ce n’est au travers de l’agenda de vos rendez-vous  que vous feuilletiez, inlassablement, lorsqu’il vous fallait écouter. La  SPP était présente, aussi, dans la supervision collective que vous assuriez avec Simone Decobert le jeudi soir dans les locaux de la guidance, lieu que vous ne quittiez quasiment pas ce jour-là. Votre souci était constant d’entretenir un noyau solide de psychothérapeutes et psychanalystes auprès des enfants et de très jeunes enfants, votre référence théorique restait la métapsychologie freudienne mais votre curiosité personnelle et votre recherche de compréhension du très jeune enfant et du nourrisson vous conduisait à encourager très tôt ceux qui s’intéressaient à l’apport des psychanalystes anglo-saxons et post-kleiniens et à l’observation du nourrisson. Vous regrettiez de ne pas avoir le temps de vous y former et vous me demandiez à plusieurs reprises si je ne pouvais vous assurer « une formation brève » ! sans que je ne sache jamais ce qu’il en était de la boutade et du sérieux puisque vous ne cachiez pas votre analyse brève comme du temps de Freud… ce qui suscitait, en vous, une certaine fierté. On était assuré, en votre présence, d’être pris d’un fou rire inextinguible au moment le plus inattendu, ainsi vous nous recommandiez au milieu d’une très sérieuse discussion d’appeler à l’aide en ouvrant une porte avant qu’une claque ne fuse ! Résumé fulgurant de l’agressivité suscitée par l’enfant dont nous parlions. Votre humour était décapant, vos blagues et votre culture venaient régulièrement redonner du plaisir au travail, élargir l’horizon, alléger l’atmosphère… Vous pensiez, avec regret, que de franchir mon œdipe m’avait éloignée… façon pudique de parler du temps qui passe et de la nostalgie du monde de l’enfance dans lequel vous étiez si à l’aise. Après votre départ nous reste : bonjour gaîté !