L’épidémie de Troubles de la Personnalité Multiple (ou désordre dissociatif de l’identité -DDI- pour le DSM-IV) qui sévit outre-Atlantique a atteint une ampleur et une médiatisation sans précédent. Reprenant à leur compte une partie des théories de Janet sur la dissociation, et rejetant violemment la psychanalyse freudienne, les défenseurs du trouble sont partis en croisade pour sa reconnaissance. Leurs adversaires leur opposent le plus profond dédain : le DDI n’existe pas ! Il n’est qu’un avatar de l’hystérie, de la pathomimie ou de la simulation, un artéfact iatrogène ! Au fil des années, les positions se radicalisent, le débat devient idéologique et une question centrale se dessine : faut-il y croire ou pas ? Se poser la question de la croyance a quelque chose de scandaleux pour nous qui nous autorisons d’un certain savoir scientifique. C’est pourtant sur cette question que vient achopper notre compréhension. Pour avancer, peut-être faut-il que nous complexifions les approches, que nous posions sur cette « épidémie » un regard non seulement psychodynamique mais aussi anthropologique, que nous analysions les interactions entre le psychisme, la culture et le social. Nous pourrions alors réfléchir plus sereinement à ce phénomène qui, s’il est à ce jour typiquement américain, ne peut que nous interroger sur ce qui fonde notre clinique ici et ailleurs.