La formation
Alain Braconnier : Vous êtes psychiatre, psychanalyste, vous occupant plus particulièrement d’enfants et d’adolescents et plus spécifiquement de la question de l’identité sexuée. Quelle a été votre trajectoire ?
Colette Chiland : J’ai commencé par faire des études de philosophie, et cette formation première a marqué ma manière de travailler : j’attache une grande importance à la rigueur conceptuelle, à la précision dans l’utilisation et la définition des mots, et aussi à une vision chronologique de l’œuvre d’un auteur. L’histoire de la philosophie m’a appris que ce qui apparaît comme une contradiction peut être une évolution de la pensée de l’auteur, si on tient compte de la date à laquelle le texte a été écrit, et cela m’a été très utile pour l’œuvre de Freud par exemple, mais aussi pour l’œuvre de Stoller ou d’autres. Je ne peux pas non plus étudier une question clinique sans lui donner un sens humain, la replacer dans un contexte culturel.
J’avais voulu faire des études de médecine en sortant du lycée, et mes parents s’y étaient opposés. Je les ai faites plus tard, un peu clandestinement. J’avais toujours voulu faire de la médecine pour faire de la psychiatrie. Étudiante en philosophie et en psychologie, j’ai fait un stage à Sainte-Anne dans un service de femmes. C’était en 1945-46, j’ai vu des femmes hurlantes, agitées, avec des assiettes de métal, habillées dans une sorte d’uniforme. Je n’aurais pas pu aborder la psychiatrie sans la psychanalyse, l’intérêt porté au sujet, à son histoire, aux relations. C’était la seule voie d’abord possible de la psychiatrie pour moi. Si je n’avais pas été d’abord psychanalyste, je n’aurais pas pu devenir psychiatre parce que j’avais gardé un véritable traumatisme…