Étude vers la compréhension et l’évaluation de l’ambivalence chez l’enfant
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Étude vers la compréhension et l’évaluation de l’ambivalence chez l’enfant

Cette étude se donne pour but d’évaluer la caractéristique d’ambivalence dans la personnalité de l’enfant. Le Test des Contes de Fées (FTT) est un test projectif pour les enfants qui évalue un grand nombre de variables de la personnalité dont l’ambivalence. En tant que caractéristique de la personnalité, l’ambivalence se manifeste sous la forme d’indécision, de doute, de réponses alternatives, de conflit émotionnel et d’hésitation. Des données ont aussi montré que l’ambivalence motive l’émergence de certaines défenses comme l’Annulation rétroactive, la Formation Réactionnelle et le Clivage.
L’échantillon de cette étude est composé de 119 enfants (7-12 ans) pour lesquels les scores de la variable Ambivalence étaient élevés, et 114 enfants dont les scores d’Ambivalence étaient moyens ou faibles et qui ont constitué le groupe témoin. Les résultats ont révélé que les enfants fortement ambivalents ont recours aux mécanismes d’Annulation rétroactive et de Clivage plus fréquemment que les enfants du groupe témoin.

 

Introduction

La première définition de l’ambivalence peut se retrouver dans les travaux de Bleuler qui remontent à 1910. Bleuler distinguait trois types d’ambivalence : volontaire, intellectuelle et émotionnelle.

L’ambivalence volontaire renvoie à des conflits conscients portant sur la décision de faire ou de ne pas faire quelque chose ou de faire une chose plutôt qu’une autre.

L’ambivalence intellectuelle a rapport avec un degré élevé du fonctionnement de l’ego dans le domaine du processus secondaire de la réflexion et du raisonnement. Ces formes d’ambivalence font référence à des processus mentaux préconscients et conscients, et à un conflit non-névrotique.

L’ambivalence émotionnelle ou affective est l’investissement du même objet avec des sentiments d’amour et de haine ; ce type d’ambivalence est considéré comme la forme la plus pathogène.

Les origines de l’ambivalence remontent aussi loin que le stade oral ou un petit peu après (stade anal du développement psycho-sexuel). Selon Klein (1932/1989), le processus de constitution de relations avec les objets provient d’un clivage du sein de la mère (premier objet du nourrisson) considéré tantôt comme bon, tantôt comme mauvais. Ce clivage est le résultat de l’incapacité du nourrisson à reconnaître que la mère qu’il aime parce qu’elle le nourrit, est la même personne que la mère qu’il déteste parce qu’elle est source de frustration. Plus tard, l’enfant transfert ce clivage sur des objets transitionnels, en particulier sur les peluches qui sont tantôt câlinées, tantôt maltraitées.

Les psychologues de l’ego ou du moi attribuent au concept d’ambivalence un sens quelque peu différent. Mahler (1968) décrit l’attitude prévalente de l’enfant au cours de la crise du rapprochement comme “ambivalente” – ambivalence du stade anal. Cette attitude est attribuée aux réactions affectives contradictoires de l’enfant envers sa mère, qui alterne entre des périodes de dépendance et un désir de séparation. Le tout-petit commence à formuler des souhaits et de simples fantasmes, et à les distinguer des exigences extérieures.

Au cours du stade du rapprochement, on observe les premiers signes du développement du sur-moi, lequel se rapporte également au concept d’ambivalence. Dans ce cas, l’ambivalence est le résultat du souhait du tout-petit à exprimer ses souhaits librement et les exigences de sa mère comme un contrôle des impulsions. L’adhésion de l’enfant aux exigences de sa mère signe le début du conflit intériorisé. Pour éviter de perdre l’amour de sa mère, le tout-petit peut surévaluer et idéaliser les normes parentales, et développer des formations réactionnelles (Jacobson, 1964).

Jusqu’à présent, nous avons vu des théories qui, dans l’ensemble, parlent des origines de l’ambivalence comme le résultat de frustrations et de conflits. Bowlby (1958), lui, considère l’interaction entre l’ambivalence de la mère et l’ambivalence du nourrisson comme un obstacle à l’attachement. Il pensait qu’un degré suffisant d’attention de la mère envers son enfant (ex : présence constante de la mère) minimiserait le développement de l’ambivalence chez l’enfant qui, à son tour, rendrait les parents moins ambivalents. La lutte contre l’ambivalence peut entraîner des comportements possessifs ou des comportements d’attachement exacerbé chez l’enfant comme chez la mère. Les expressions manifestes de l’ambivalence chez un individu peuvent s’observer dans sa difficulté ou son incapacité à prendre une décision, à faire un choix ou à prendre une initiative ; l’individu doute de ses capacités, et ressent des émotions contradictoires vis-à-vis des autres.

Lorsque l’ambivalence reste à un degré modéré, elle peut être bénéfique dans le contrôle de l’impulsivité et dans l’analyse des avantages et des inconvénients d’une action ou d’une situation. Mais les individus extrêmement ambivalents peuvent souffrir d’angoisse ou d’un manque de confiance en soi. L’ambivalence peut se retrouver au cœur de la névrose obsessionnelle (Freud, 1981) et est considérée comme un facteur sous-jacent majeur des mécanismes d’Annulation rétroactive, de Formation Réactionnelle et de Clivage (Ionescu, et al., 1997; Vaillant, 1993; English & Finch, 1964).

L’Annulation rétroactive, la Formation Réactionnelle et le Clivage sont signalés comme mécanismes de défense associés avec l’ambivalence (Ionescu, et al. 1997; Vaillant, 1993; English & Finch, 1964; Kernberg, 1975). Alex Holder (1975) parle de deux modes spécifiques de défense particulièrement associés avec les conflits d’ambivalence : clivage de l’ambivalence et répression de l’une des deux composantes, et renforcement réactif simultané de l’autre composante (ex : préoccupation exacerbée de la sécurité et du bien-être de l’être aimé).

L’Annulation rétroactive est une illusion selon laquelle il serait possible d’annihiler un événement, une action, un souhait, porteurs de conflits, grâce à la toute –puissance d’une action ou d’un souhait ultérieurs, censés avoir un effet de destruction rétroactive (Ionescu et al., 1997).

La Formation Réactionelle (F – R) est une transformation du caractère permettant une économie du refoulement, puisqu’à des tendances inacceptables sont substituées des tendances opposées, qui deviennent permanentes. L’affection qu’un enfant manifeste à l’égard de la petite sœur ou du petit frère nouveau-né constitue peut-être l’exemple le plus caractéristique de la formation réactionnelle chez l’enfant. La colère et la jalousie sont converties en un sentiment conscient d’amour et d’attention.

Le Clivage (clivage du moi, clivage de l’objet) est l’action de séparation, de division du moi ou de l’objet, sous l’influence angoissante d’une menace, de façon à faire coexister les deux parties ainsi séparées qui se méconnaissent sans formation de compromis possible.

Kellerman & Burry (1997) proposent une nouvelle – et plus large – définition de l’ambivalence qui inclut notre propre vision de ce concept : “L’Ambivalence fait référence à l’incapacité d’une personne à se décider, à la peur de la franchise, à la confusion au sein d’un contexte de doute plus large, et à un besoin fort d’équilibre… En outre, l’ambivalence reflète des problèmes d’assurance et d’estime de soi, et a fréquemment rapport avec des problèmes de dépendance…” (p. 29).

L’Ambivalence a surtout été évaluée comme un mécanisme de défense ou comme une manifestation de défense dans d’autres techniques projectives. Plus précisément, C. Chabert (1993) parle du doute comme d’une forme de manifestation défensive dans le test de Rorschach, s’exprimant comme une incapacité à choisir entre deux images ou entre deux interprétations dans la même réponse. Selon Bellak (1997), ce phénomène s’observe dans le test TAT par des déclarations du genre “ceci… ou cela …”. Haworth (1982) utilise l’Ambivalence et l’Annulation rétroactive comme un type de mécanisme de défense dans le test C.A.T.
L’objectif de notre investigation est double : (a) étudier la nature de l’ambivalence en tant que caractéristique de la personnalité, et (b) étudier les mécanismes de défense associés avec l’ambivalence en comparant un groupe fortement ambivalent et un groupe témoin.

Méthodologie

Participants

Le FTT a été soumis à un échantillon de 803 enfants grecs non-cliniques (405 garçons et 398 filles) âgés de 7 à 12 ans et scolarisés dans des établissements publics de la région d’Athènes. La majorité de ces enfants étaient issus de milieux socioculturels de la classe moyenne.
Sur cet échantillon, 112 enfants (62 garçons et 50 filles) (âge moyen = 11,3 ans, ET = 1,3) ont été choisis en fonction de leur score d’Ambivalence. Ces sujets ont constitué le groupe Fortement Ambivalent (FA), et leurs scores dépassaient le 85 percentile (score > 10, moyenne = 15, ET = 4,2) du paramètre Ambivalence du FTT. Le groupe fortement ambivalent présentait une proportion significativement plus élevée (78 %) d’enfants plus âgés (12 ans). Un groupe de 114 sujets (58 garçons et 56 filles) (âge moyen = 11,5 ans, ET = 1,1) a été choisi de façon aléatoire parmi le reste des enfants et a constitué le groupe témoin (score < 9, moyenne = 3,9, ET=3).

Matériaux

Le Test des Contes de Fées (Fairy Tale Test – FTT) (Coulacoglou, 1998; Coulacoglou & Kline, 1995; Coulacoglou, 2002) est un test projectif destiné aux enfants de 7 à 12 ans. Sa construction repose sur l’association entre les contes de fées et les processus inconscients (ex : Bettelheim, 1976, Kaes et al., 1987). Le test se compose de 21 cartes illustrant des personnages et des scènes de contes de fées populaires tirés des histoires du Petit Chaperon Rouge et de Blanche Neige et les Sept Nains. Les cartes sont présentées à l’enfant par groupe de trois à la fois. Le premier groupe consiste en trois versions du Petit Chaperon Rouge, le deuxième en trois versions du loup, le troisième en trois versions du nain, le quatrième en trois versions de la sorcière, le cinquième en trois versions du géant, le sixième illustre trois scènes de l’histoire du Petit Chaperon Rouge, et le dernier illustre trois scènes de l’histoire de Blanche Neige et les Sept Nains.

Les sujets doivent répondre à un nombre de questions précises concernant chaque groupe d’images. Par exemple “Que pense chaque (PCR, Loup, Nain, Sorcière, Géant) ?, “Que peut faire une méchante sorcière/un géant ?”

Le FTT évalue 26 variables de la personnalité qui dérivent des réponses aux questions posées : Estime de Soi (ES), Ambivalence (AMB), Désir de Biens Matérielles (DBM), Sens de la Propriété (SPRO), Désir de Supériorité (DS), Agression de Dominance (AGRDOM), Agression de Type A (Agression hostile), Agression par Represailles (AgrRep), Agression par Défense (AgrDéf), Agression par Envie (AgrEnvie), Agression Orale (AO), Peur de l’Agression (PA), Besoins Oraux (BO), Besoin d’Affiliation (BA), Besoin d’Affection (BAFCT), Besoin de Protection (BP), Désir d’Aider (DA), Angoisse (ANG), Dépression (D), Moralité (M), Préoccupation Sexuelle (PS), Relations avec la Mère (REL/ME), Relations avec le Père (REL/PE), Adaptation au Contenu du Conte (ACC), Bizarreries (B) et Répétitions (R).

A ces variables est attribuée une valeur d’intensité mesurée sur une échelle de 1 à 3 points (1 correspondant à une intensité faible et 3 à une intensité élevée ou positive (+ 1) ou négative (- 1) (Relations avec la Mère, Relations avec le Père et Amour-Propre). Les réponses Bizarrerie et Répétitions obtiennent une valeur de 1 seulement quand elles sont présentes.

Les propriétés psychométriques de l’échantillon incluent les fiabilités test-retest et inter-évaluateur, et l’étude de la validité de notion. La validité a été étudiée via : (a) l’analyse factorielle des variables du FTT (b) la relation des scores faibles et élevés du FTT avec le Questionnaire sur la Personnalité des Enfants (QPE) (c) la comparaison entre les enfants perturbés et les enfants non-perturbés définis objectivement par les échelles de Rutter.

Le FTT a été standardisé sur un échantillon de 803 enfants grecs âgés de 7 à 12 ans, 405 garçons et 398 filles.

Évaluation de l’ambivalence dans le FTT

Les personnages illustrés sur les cartes du FTT dérivent essentiellement des histoires du Petit Chaperon Rouge et de Blanche Neige et les Sept Nains. Ces contes de fées regorgent d’ambivalence qui s’exprime soit sous forme explicite soit sous forme implicite. A noter, à ce stade, que Bettelheim (1976) interprète l’histoire du Petit Chaperon Rouge comme une histoire d’ambivalence entre le plaisir et le principe de réalité.

Dans le Petit Chaperon Rouge, l’héroïne ressent l’ambivalence à plusieurs occasions : doit-elle ou non parler au loup ? Doit-elle ou non cueillir des fleurs ? Le loup est-il ou non déguisé en grand-mère ? Les enfants projettent souvent leur ambivalence morale sur le loup en se demandant s’il est bien ou mal qu’il dévore le PCR et sa grand-mère.

Dans Blanche Neige et les Sept Nains, les enfants projettent leur ambivalence sur l’image du nain (Doivent-ils ou non inviter BN à rester avec eux ?), sur la sorcière (Est-ce bien de tuer ou non BN ?), ou sur l’hésitation de la sorcière quand elle réfléchit au succès des sorts qu’elle jette.

L’ambivalence est évaluée en réponse aux questions : “Que pense chaque … ?” et “Décris chaque scène”. Elle peut parfois être détectée en réponse à d’autres questions, comme par exemple “Qui est le géant dans les contes de fées. Pourquoi ?”. Une réponse peut comporter plusieurs types d’expressions ambivalentes.

Les réponses ambivalentes s’expriment sous différentes formes :

(a) L’Indécision, est la forme d’ambivalence la plus courante. Elle survient quand l’enfant a des difficultés à faire un choix ou à prendre une décision. Souvent, ce type d’ambivalence reflète des préoccupations morales sur des actions agressives. L’indécision est semblable à l’ambivalence volontaire décrite par Bleuler. Exemples : “Le loup se demande s’il est bien ou non de manger la petite fille”, “Le loup réfléchit à la façon dont il va attraper le Petit Chaperon Rouge”, “Le nain se demande quel cadeau offrir à Blanche-Neige ”.

(b) Le Doute fait référence à l’incertitude ou à l’incrédulité face à une opinion ou face à une conviction. Exemples : “Le PCR se demande si sa grand-mère est à la maison”, “La sorcière se demande si elle est belle”, “Le nain se demande si Blanche -Neige est gentille”.

(c) Les Réponses alternatives surviennent quand l’enfant propose plusieurs réponses aux questions “Que pense chaque … ?” et “Décris chaque scène”. Exemples : “Les nains font la fête parce que Blanche-Neige va se marier avec le prince ou parce que le prince l’a sauvée”, “La sorcière veut tuer BN, ou, elle veut conquérir le monde”.

(d) Le conflit émotionnel survient quand l’enfant propose deux émotions opposées ou deux actions contradictoires reflétant des émotions opposées. Ce type d’ambivalence est en rapport avec l’ambivalence émotionnelle décrite par Bleuler. Exemples : “Le géant veut accueillir son ami ou frapper quelqu’un”, “Le PCR est à la fois joyeux et triste”.
(e) L’Hésitation fait référence à l’enfant peu enclin à exprimer une formulation définitive ou à s’engager. Les déclarations hésitantes commencent généralement par des mots comme “peut-être”. Exemples : “Peut-être la sorcière veut-elle exterminer Blanche Neige pour pouvoir se marier avec le prince”.

Evaluation de l’Annulation rétroactive, de la Formation Réactionnelle et du Clivage dans le FTT

Les mécanismes d’Annulation rétroactive, de Formation Réactionnelle et de Clivage sont considérés comme les manifestations défensives de l’ambivalence (ex. Holder, 1975; Ionescu, et al., 1997). Ils sont généralement évalués en réponse à la question “Que pense chaque … ?” ou “Décris chaque scène”. L’apparition de ces mécanismes spécifiques est facilitée par la présentation des images par groupe de trois à la fois. Chaque fois qu’un mécanisme apparaît dans un protocole, la valeur 1 lui est attribuée.

Dans l’Annulation rétroactive, le sujet contredit la réponse qu’il a faite juste avant. Exemple : Q. “Que pense chaque nain ?”

Planche 1 : “Le nain est content que BN reste avec eux”.

Planche 2 : “Le nain n’est pas content que BN reste avec eux (?) Il a peur que la sorcière leur fasse aussi du mal”.

Dans cet exemple, on observe l’ambivalence entre le désir de l’enfant d’aider, et de “bien” agir/d’agir de façon moralement correcte, et son angoisse face aux conséquences possibles de son hospitalité.

Dans la Formation Réactionnelle, le sujet ne contredit pas seulement ce qu’il vient de dire, mais fait également état d’une action opposée à celle qu’il vient de mentionner (généralement, une action moralement correcte suit une action négative ou moralement incorrecte).

Exemple : Q. “Que pense chaque Petit Chaperon Rouge ?”

Planche 2 : “Elle veut tuer sa grand-mère parce qu’elle est méchante”.

Planche 3 : “Elle se fait du souci pour sa grand-mère (?) Elle veut l’aider à guérir”.

Dans cet exemple, on observe l’ambivalence entre l’amour et la haine. L’enfant essaye, avec exagération, d’agir de façon positive et de déguiser des sentiments d’hostilité.

Le Clivage peut être évalué dans le FTT comme suit:

En réponse à la question “Que pense chaque sorcière ?”, quand une réponse positive extrême est suivie d’une réponse négative extrême.

Exemple : Planche 1 : “C’est une gentille sorcière. Elle veut redonner de la vitalité à une plante sèche” (identification avec la plante).

Planche 2 : “Elle veut transformer une belle princesse en ver.”

En réponse à la question “Qui est le géant dans les contes de fées ?” et “Qui t’effraye le plus. Pourquoi ?”, quand sont données deux descriptions opposées du personnage dans la même réponse.

Exemple : “Le géant des contes de fées est le numéro 1 parce qu’il n’est pas beau depuis la taille jusqu’en bas, et qu’il est beau depuis la taille jusqu’en haut”

En réponse à la question “Décris chaque scène” avec l’histoire du Petit Chaperon Rouge. Sur l’une des cartes, la mère est décrite comme une méchante belle-mère ou une méchante sorcière et sur une autre, la mère est présentée comme une gentille femme ou comme une fée.

Exemples :

Carte 1 : Le Petit Chaperon Rouge veut dire à la méchante belle-mère qu’elle veut rendre visite à sa grand-mère et, comme elle ne veut pas la laisser partir, le PCR la supplie.

Carte 2 : Le PCR voudrait une mère qui l’aime et qui soit riche.
Carte 3 : Ses prières sont exaucées et elle trouve une gentille maman qui prendra soin d’elle.

Procédure

Tous les enfants ont été étudiés individuellement dans une classe vide pendant les heures scolaires. Avant soumission du test, on a demandé aux enfants s’ils connaissaient des contes de fées et quel était leur conte préféré. Ensuite, on leur a demandé de raconter brièvement les histoires du Petit Chaperon Rouge et de Blanche Neige et les Sept Nains pour connaître leur version.

Les instructions parlent d’un jeu à jouer avec l’examinateur : « Nous allons jouer à un jeu avec des héros de contes de fées populaires. Je vais te poser quelques questions sur eux et je voudrais entendre ton opinion ». Garantie est donnée qu’il n’y a pas de réponses justes ou de réponses fausses. Les cartes sont présentées dans un ordre standard, un groupe à la fois, le reste des cartes étant maintenu hors de portée de l’enfant.

Résultats

En ce qui concerne le premier objectif de l’étude, les résultats ont montré que la majorité des enfants ont donné des réponses ambivalentes sous forme d’Indécision (N = 109, Moyenne = 5,5, ET = 3). L’Hésitation constitue le deuxième type d’expressions ambivalentes (N = 58, Moyenne = 59, ET = 4,6), les Réponses alternatives le troisième type d’expressions ambivalentes (N = 45, Moyenne = 1,9, ET = 1,3), le Doute le quatrième type (N = 25, Moyenne = 1,3, ET = 1,2), et le Conflit Emotionnel le cinquième type (N = 12, Moyenne = 1,3, ET = 0,65).

Seules l’Indécision et l’Hésitation étaient corrélées avec le reste des variables du FTT. L’Indécision était significativement corrélée avec l’Amour-propre (r = -0,201, p < 0,03) et le Besoin d’Affiliation (r = 0,257, p < 0,006). L’Hésitation était significativement corrélée avec l’Agression de Type A (r = 0,191, p < 0,04). L’Agression de Type A fait référence à une agression intérieure ou « hostile », comme par exemple « Ce géant veut tuer d’autres personnes parce qu’il les déteste. »

En ce qui concerne le second objectif de l’étude, les résultats démontrent que les enfants fortement ambivalents ont utilisé les mécanismes d’Annulation rétroactive, de Formation Réactionnelle et de Clivage plus fréquemment que les enfants du groupe témoin.

Annulation rétroactive : utilisation par le groupe FA 27,7 %, contre 9,6 % pour le groupe témoin.

L’Annulation rétroactive a donc significativement été associée avec l’ambivalence forte (X2 (1) = 12,4, p < 0,001).

Formation Réactionnelle (F-R): utilisation par le groupe FA 14,3 %, contre 7,9 % pour le groupe témoin. La F-R n’a donc pas significativement été associée avec l’ambivalence forte (X2 (1) = 2,40, p < 0,12).
Clivage : utilisation par le groupe FA 14,3 %, contre 4,4 % pour le groupe témoin. Le Clivage a donc significativement été associé avec l’ambivalence forte (X2 (1) = 6,67, p < 0,01).

Discussion

L’Ambivalence exprimée dans ce test est presque équivalente à l’indécision. Certaines réponses ambivalentes reflètent l’hésitation et seulement quelques réponses représentent les réponses alternatives, le doute ou le conflit émotionnel. L’Ambivalence sous la forme d’indécision ou d’incertitude se rapporte à un degré d’amour-propre faible et à un besoin d’affiliation. Cette donnée est en accord avec la notion de Kellerman & Burry (1997) qui veut que l’ambivalence reflète des problèmes d’amour-propre.

L’indécision, l’hésitation et les réponses alternatives sont les expressions les plus fréquentes de l’Ambivalence dans le FTT. Ces expressions correspondent à l’ambivalence volontaire et à l’ambivalence intellectuelle décrites par Bleuler et dont la nature est non-névrotique. L’échantillon d’enfants n’étant pas clinique, les réponses ambivalentes sous forme de conflit émotionnel apparaissent rarement.

Ces résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle les enfants fortement ambivalents utilisent les mécanismes d’Annulation rétroactive et de Clivage significativement plus souvent que les enfants du groupe témoin. Cependant, il n’y avait aucune différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne le mécanisme de Formation Réactionnelle.

Dans la majorité des cas, les enfants utilisent l’Annulation rétroactive comme une défense contre l’agression, les exigences du sur-moi, ou la vulnérabilité narcissique. L’Annulation rétroactive des impulsions agressives peut souvent s’observer en réponse à la question “Que pense chaque loup / sorcière / géant ?” où l’un de ces personnages veut blesser / détruire / menacer quelqu’un et le second ne veut pas / n’a pas envie de blesser / détruire / menacer. L’Annulation rétroactive des exigences du sur-moi peut s’observer en réponse à la question “Que pense chaque nain ?” où l’un des nains souhaite inviter Blanche Neige à rester avec eux et l’autre ne veut pas (soit parce qu’ils ne savent pas qui elle est véritablement ou parce que la sorcière pourrait aussi leur faire du mal).

L’Annulation rétroactive de la vulnérabilité narcissique peut aussi s’observer en réponse à la question “Que pense chaque nain ?” où l’un des nains veut changer un aspect de lui-même (il veut devenir plus grand, plus riche, plus mince, etc.) tandis que le suivant est satisfait de l’apparence qu’il a.

La Formation Réactionnelle dans le FTT apparaît uniquement comme une défense contre les impulsions agressives. Les réponses agressives peuvent apparaître dans n’importe lequel des cinq groupes de cartes, mais plus souvent dans celui du géant. Dans la majorité des cas, la réponse positive suit la réponse agressive. Les réponses positives reflètent le désir d’aider souvent combiné avec la culpabilité. Par exemple : “Cette sorcière veut transformer quelqu’un en animal”, “Peut-être qu’elle a regretté tous ses méfaits et qu’elle veut faire quelque chose de bien / aider quelqu’un”.

Le Facteur 7, Serviabilite, dans le FTT se compose des sous-échelles Désir d’Aider et Ambivalence. Il se trouve que le Désir d’Aider est rarement authentique et spontané chez l’enfant. Au contraire, il reflète le mécanisme de Formation Réactionnelle utilisé contre l’ambivalence d’impulsions agressives.

Le Clivage est un mécanisme de défense contre les aspects non acceptés du moi ou d’un objet. Si le clivage de l’objet et le clivage du moi apparaissent tous deux dans le FTT, le clivage de l’objet est plus fréquent. Le clivage de l’objet survient plus généralement à la question : “Décris chaque scène” de l’histoire du Petit Chaperon Rouge.

Conclusions

Les résultats de cette étude laissent entendre que l’ambivalence est une caractéristique de la personnalité qui se développe au fur et à mesure que l’enfant devient mature et qu’il devient intellectuellement plus avancé. L’Ambivalence s’exprime, dans le FTT, sous forme d’Indécision, d’Hésitation, de Réponses Alternatives, de Doute et de Conflit émotionnel.

En outre, les données ont montré que les trois mécanismes de défense associés avec les conflits d’ambivalence, se manifestent plus fréquemment chez les enfants qui sont fortement ambivalents (en principe indécis et hésitants). Une ambivalence forte semble donc motiver l’apparition de mécanismes de défense spécifiques comme l’Annulation rétroactive, la Formation Réactionnelle et le Clivage.

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