L’emprise est partout aujourd’hui, notion utilisée à tort et à travers, elle tend à perdre son sens et à se confondre avec la maîtrise, le pouvoir ou la domination.
Chez Freud, la pulsion d’emprise est une pulsion de maîtrise, qui permet à l’enfant d’avoir une mainmise sur autrui et sur la réalité extérieure. Dans les Trois Essais sur la théorie sexuelle (Freud, 1905), elle est liée à l’expérience de la motricité et au jeu des pulsions partielles. En 1920, Freud relie l’emprise à la pulsion de mort et à la destructivité dans Au-delà du Principe de plaisir.
Alors que l’emprise implique une action d’appropriation de l’autre, d’assujettissement, et une reconnaissance partielle de l’objet et de ses désirs, la maîtrise implique, elle, une reconnaissance de l’objet total sans désir de détruire l’autre.
Paul Denis (2002) a donné à l’emprise une place centrale dans sa théorisation en redéfinissant la pulsion en termes de formants : le formant d’emprise et le formant de satisfaction. Le moi se développe en grande partie à partir du fonctionnement de l’appareil d’emprise. Le premier objet est investi simultanément en emprise et satisfaction : si la deuxième échoue l’emprise prend le relais et le pas sur la satisfaction. L’objet n’est plus qu’objet d’emprise, faute de pouvoir être objet de satisfaction.
À l’opposé, Roger Dorey (1981) réfute la notion de pulsion d’emprise et parle d’une relation d’emprise dans une relation intersubjective et qui ne peut se comprendre qu’à travers le lien à un autre, et pas en tant que pulsion isolée. Il s’agit de « meurtre psychique » de l’autre en tant qu’il faut le déposséder de son désir et de sa subjectivité. On est proche…