En 1930, à la fin de Malaise dans la culture, Freud (1930, p. 333) fait un constat prémonitoire : « L’époque présente mérite peut-être justement un intérêt particulier. Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu’avec l’aide de ces dernières il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. Ils le savent, de là une bonne part de leur inquiétude présente, de leur malheur, de leur fond d’angoisse ». Son inquiétude lucide et visionnaire ne pouvait pourtant pas prévoir que cette destructivité allait, un siècle plus tard, menacer non seulement l’humanité dans son ensemble mais aussi l’ensemble des écosystèmes de la Terre. Fils d’un positivisme scientifique alors triomphant, Freud (1915, p. 130) se montre confiant dans « les progrès techniques dans la domination de la nature » unissant les hommes, par-delà le narcissisme des petites différences, dans une universelle pulsion d’auto-conservation : « L’une des rares impressions réjouissantes et exaltantes que l’on puisse avoir de l’humanité, c’est lorsque, face à une catastrophe due aux éléments, elle oublie la disparité de ses cultures, toutes ses difficultés et hostilités internes, pour se souvenir de la grande tâche commune : sa propre conservation face à la surpuissance de la nature » (Freud, 1927, p. 156). Tout à fait conscient de l’extrême dangerosité des éléments déchaînés – « Forte de ces pouvoirs, la nature s’élève contre nous, grandiose, cruelle, inexorable, elle nous remet sous les yeux notre faiblesse et notre désaide (Hilfosigkeit) auxquelles nous pensions nous soustraire grâce au travail culturel », Freud assigne à la culture la lourde tâche de « défendre l’homme contre la nature ». Dans le combat des hommes contre ces phénomènes extrêmes qui le dépassent, il se réjouit des avancées récentes de la technique liées aux révolutions industrielles : « l’humanité a fait de constants progrès dans la domination de la nature et…
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