L’inceste on s’en dégage d’autant mieux qu’on s’y est un tant soit peu familiarisé par le fantasme. Une plongée dans Barton Fink des frères Coen.
La scène « capitale » du film Barton Fink, réalisé par les frères Coen, est le lent et suave viol consenti de Barton, adolescent attardé et apprenti écrivain en quête de reconnaissance, par Audrey, la jeune femme de son très vieux et agonisant père spirituel : un Faulkner plus vrai que nature. On ne voit rien bien sûr. Mais on entend… des murmures et des râles de plaisirs du couple qui s’épanouissent dans la lugubre chambre d’hôtel crasseuse où les murs suintent encore de la vieille glue censée tenir le papier peint, puis qui accompagnent la caméra, qui voyage et conduit notre œil jusqu’à la salle de bain, où alors ils plongent doucement dans l’œil noir du lavabo comme une anguille d’eau, s’engouffrent en spirale dans la bonde (comme digérée par un intestin vivant de canalisations, tunnel-longue-vue lorgnant infiniment vers un trou originaire) avant de revenir brutalement à travers les yeux du héros qui s’éveille hagard comme au sortir d’un cauchemar.
LEVÉE DU REFOULEMENT
Une nuit a passé. Notre héros tente alors de calmer son excitation et de retrouver ses esprits en recalant ses oreillers. Il suit, d’abord de l’oreille puis des yeux, un moustique, dernier avatar d’un papillon de nuit, puis l’observe s’activer sur « le fleuve de chair » de la femme mûre qui s’est lovée dans son lit et qu’il semble découvrir pour la première fois… avec le moustique. Elle lui tourne le dos comme pour lui dire non après avoir dit oui… Ces deux-là n’avaient visiblement pas l’habitude de dormir ensemble. Peut-être irrité, peut-être…