Les médicaments psychotropes sont-ils désormais la seule source d’innovation en psychiatrie ? Ne modifient-ils pas toute notre approche des troubles mentaux ? Plusieurs auteurs n’ont pas hésité à reconnaître que la dépression était « l’ensemble des troubles soignés par les antidépresseurs ».
Il y a, dans ce constat, quelque chose de terrible pour la fierté de la psychiatrie. Aucun autre secteur de la médecine moderne n’a son sort aussi étroitement lié à une classe de médicaments. Partout, sauf en psychiatrie, les progrès dans la découverte de causes organiques fiables et donc de moyens diagnostiques objectifs viennent contrebalancer les avancées thérapeutiques. Si on prescrit mal (ou trop) des antibiotiques, c’est qu’on a négligé de réaliser les bons tests diagnostics. Un équilibre est instauré. Si, en psychiatrie, tout dépend des psychotropes, comment défendre un tel équilibre et empêcher les dérapages ? On nous parle des progrès fulgurants des neurosciences. Mais La Décennie du cerveau ne nous a rien appris de nouveau en psychiatrie. Il faut chercher l’équilibre ailleurs.
La notion de harcèlement moral, mise en évidence par des psychothérapeutes et dans laquelle de nombreux patients se sont reconnus, est peut-être un avant signe. Pour la première fois la notion de dépression est entrée en crise. C’est peut-être de nouvelles alliances thérapeutiques qui vont devenir nécessaires et qui mettront en cause nos certitudes psychiatriques actuelles.