La haine de l’amour
Éditorial

La haine de l’amour

L’amour se perpétue de génération en génération. La haine aussi. Chaque époque génère des signifiants nouveaux, notre millénaire s’inaugure sous des auspices agressifs haineux, voire guerriers. Si l’amour est toujours une promesse, un devenir, la haine est une certitude tangible. À la question angoissée est ce que l’autre m’aime répond une vérité incontournable, je le (la) hais. L’universelle demande d’être aimé n’a d’égale que l’aptitude à haïr, son voisin, son cousin, son collègue, son conjoint, etc. Notre société consumériste prône la jouissance ratant la dimension relationnelle de l’amour, temps essentiel de la rencontre. Dans les figures de l’amour et au jeu du désir, la chair est un écueil dont beaucoup fréquentent les rivages.

Apprend-on à aimer ? Si l’amour se donne sans espoir de retour, son mystère réside dans ses modalités de transmission. Il est d’usage de dire que les histoires d’amour se répètent, je pense pour ma part comme en poésie qu’elles riment. Cette tonalité musicale ne leur ôte pas leur caractère tragique. L’énamoration montre qu’il n’y a qu’un pas qui renverse l’amour vers la haine. En lieu et place de l’amour, la haine surgit avec sa palette d’affects négatifs, chronique de la haine ordinaire : de l’agressivité au refus de civilité, du propos discourtois à l’invective insultante, et enfin au passage par l’acte, des mots à la violence agie. À l’évidence l’homme moderne aime la haine.

La civilisation se meurt de ces manifestations de haine et de violence. Promoteurs de la parole et de la mise en mots, les psychanalystes et les thérapeutes ont un rôle éthique à maintenir : l’éthique de la parole et soutenir l’énonciation en lieu et place de la mise en acte. L’agressivité, la violence ou la haine paraît un lien solide reliant les hommes entre eux. Est-il trop tard ? Si la femme est l’avenir de l’homme, la parole est-elle l’avenir de l’humanité de l’homme ?