« La mère morte se donne à entendre dans la voix de certains patients »
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« La mère morte se donne à entendre dans la voix de certains patients »

Carnet Psy : Merci de nous accorder cet entretien consacré au célèbre texte d’André Green, « La mère morte ». Pour commencer, nous pourrions revenir sur ce titre. Pourquoi André Green a-t-il intitulé son texte « la mère morte » si, tout au long des pages, la mère demeure bel et bien en vie ?

André Green désigne ici une expérience que peut traverser l’enfant lorsque sa mère, après avoir été un objet chaleureux, excitant, vivant, source de vitalité et de gaieté pour lui, devient subitement froide, éteinte, atone, comme morte. Présente et vivante, enlisée dans une dépression sévère (liée à un deuil réel ou à une déception indépassable), cette mère est subitement trop triste pour s’intéresser (de façon vivante) à son enfant. Même si elle est là (de sorte qu’elle ne disparaît pas forcément du champ de perception) elle est comme de cire, entièrement absorbée en elle-même dans un sinistre ailleurs : elle a perdu le gout de vivre. De cette présence se dégage une atmosphère de dépression « à contre vie »[1].

Ce titre ne renvoie donc pas uniquement aux effets de l’absence de la mère, mais aux qualités particulières de sa présence : une présence morte. Peut-être, hantée par son propre suicide, se maintient-elle en vie « à cause » de l’existence de cet enfant ? Et si elle porte la mort en elle, l’enfant sent bien que même si elle continue à s’occuper de lui, elle ne lui réverbère plus cette reconnaissance vibrante qui soutient ses assises narcissiques. Le type d’angoisse suscité par ce changement brutal ne se situe pas tant du côté de la perte ou d’un deuil véritable mais plutôt du côté du vide, de l’anéantissement, de la néantisation. « Qu’ai-je fait pour qu’elle soit comme ça ? » L’existence même est remise…

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5 articles
L'effacement psychique : retrait, absence, dépression