L’œuvre freudienne est l’une des contributions majeures à la culture du xxe siècle. Impossible d’en localiser l’impact à la seule pratique de la psychanalyse, elle a donné au mot de Rimbaud, « Je est un autre », une consistance sans pareil. L’homme intérieur n’est pas le même avant Freud et après lui. Lorsque Freud entreprend de s’adresser à un public qu’il souhaite le plus large possible afin d’introduire à la psychanalyse, soucieux d’être entendu et d’emporter la conviction, il commence par les actes manqués. L’acte manqué c’est l’inconscient en plein jour, il surgit en toute conscience. L’espoir de Freud ? Convaincre de la réalité psychique de l’inconscient à partir de ces menus incidents de la vie quotidienne, quand l’inconscient de tous les jours, le temps d’un lapsus, vient déranger l’ordre du monde. Qui, aujourd’hui, quand il dit « ma mère » au lieu de « ma femme », peut encore en appeler à la fatigue ? « Je » voulais dire, mais « Ça » le trahit et dit ce qui ne se dit pas, voire ce qui ne se pense pas. Il n’y a pas de hasard intérieur, le moindre faux pas est un discret moment de vérité, un freudian slip. Nulle conscience, aussi cartésienne soit-elle, n’y échappe, l’inconscient est la chose du monde la mieux partagée.
L’œuvre de Freud s’écrit tout au long d’une cinquantaine d’années. Seule la mort met fin à la réflexion. Qu’est-ce qui fait que, pour le psychanalyste d’aujourd’hui, cette œuvre demeure une source inépuisable de questionnement, quand bien même de multiples contributions post-freudiennes ont élargi et enrichi l’interrogation sur la vie psychique ? Comment comprendre que « le retour à Freud » soit au cœur de l’expérience psychanalytique ? Pas de réponse univoque à cette question, mais il en est une qui tient à une qualité spécifique de la théorie : son inachèvement. Un…
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