Dans L’Express du 28 mars 2024, le journaliste Alexis Da Silva publie une enquête à charge contre la psychanalyse. L’article s’appuie sur le témoignage d’une quinzaine d’étudiants et de chargés de cours répartis dans sept universités françaises, ainsi que sur l’avis de trois psychiatres et de la présidente d’Autisme France. Collectant et compilant les verbatims, l’auteur juge la psychanalyse à l’université en pleine dérive. Homophobe, rétrograde, non-déontologique, les accusations se multiplient dans un réquisitoire sans nuance et malhonnête. Comment ne pas être estomaqué par ces constats ?
Le journaliste a reçu de nombreux refus de témoignages, sans pour autant remettre en cause la représentativité de son enquête ou la qualité de sa méthodologie. Les sources ne sont pas hiérarchisées – les propos d’un étudiant sont généralisés à l’ensemble de la discipline – et parfois même biaisés lorsque le journaliste étrille la qualité d’un cours à partir d’une lecture superficielle de la bibliographie transmise aux élèves. En matière de déontologie journalistique, on a vu mieux, surtout pour un article qui vise justement à critiquer la déontologie d’une discipline qu’il connaît bien mal.
Surtout, l’article de L’Express décrit une psychanalyse omniprésente dans les facultés de psychologie françaises. Si cette hégémonie était effective dans les années 1950-1970, notamment sous l’influence de Henri Piéron et de Daniel Lagache, la psychanalyse a depuis longtemps perdu sa place centrale dans les enseignements en psychologie. Il eut suffi de quelques minutes au journaliste pour faire une recherche sur l’histoire contemporaine de la psychanalyse et savoir que l’on compte seulement une dizaine de masters de « Psychopathologie clinique psychanalytique » dans toute la France et que les enseignants-chercheurs se référant à la psychanalyse se retrouvent fréquemment en minorité au sein des laboratoires de recherche.
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