La psychologie à l’épreuve de la guerre
Éditorial

La psychologie à l’épreuve de la guerre

Coup sur coup, au Rwanda, en Bosnie et maintenant au Kosovo, la face sombre de la psychologie humaine est brusquement visible, tangible. A notre époque, la méthodologie d’approche de la psychologie humaine basée sur la recherche de la causalité intra-psychique des troubles d’un sujet singulier est soumise à rude épreuve. Les théories ne rendent plus compte des faits.

Ceux d’entre nous, psychologues et psychiatres qui intervenons dans le champ de l’action humanitaire, savons bien qu’il est dérisoire et particulièrement irrespectueux pour les traumatisés psychiques d’invoquer une supposée fragilité de la personnalité antérieure, alors que ces derniers ont tout perdu, tout vu, tout subi. Comme il est parfaitement ridicule d’évoquer le concept de fantasme pour rendre compte des vécus traumatiques délibérément induits par un tiers. Ce tiers, parlons-en. Avant les victimes, il y a les bourreaux. Il n’est pas pensable de soigner des victimes, sans prendre en compte l’intention des bourreaux, leur mode de fabrication qui aboutit à ne voir en l’autre qu’un non-humain. On ne naît pas bourreau, on le devient. Soit par une violente acculturation, soit par l’utilisation méthodique de techniques traumatiques.

La plus belle ruse du diable, a dit Baudelaire, c’est de nous faire croire qu’il n’existe pas. Combattre le mal, c’est fermement engager notre discipline à produire de la pensée là où il n’y a que compassion et souffrance…