« L’homme est […] tenté de satisfaire son besoin d’agression, aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail, sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. » (Freud, 1929, p. 62-63)
L’emprise : un fait social total ?
L’emprise est un sujet contemporain. Aujourd’hui, l’emprise est au cœur de nos débats et de nos cataclysmes médiatiques qui révèlent tous les jours les turpitudes des grands et des petits prédateurs, lesquels soumettent impitoyablement femmes et enfants à leurs violences et à leurs caprices sexuels. Avec #MeToo1, La Familia grande (Kouchner, 2022), Le Consentement (Springora, 2020), – pour ne citer que quelques-unes des dénonciations les plus récentes –, chaque jour apporte son lot d’accusations et de flagrances des abus sexuels, des mainmises réalisées sur femmes et enfants, bref des relations d’emprise. Tout se passe comme si les victimes d’abus et d’emprises étaient en train de devenir les « héros » de notre temps, les figures psychologiques et sociales de la grande misère humaine, les martyrs du malheur contemporain que produit chez l’homme l’irrésistible pulsion de destruction. Et ce au moment même où l’époque renoue avec les menaces du siècle dernier : guerres, destruction du vivant, terrorismes, génocides, exploitations et traites d’êtres humains, dégradations sociales…
Ce qui paraît nouveau depuis #MeToo réside dans le caractère social global de ces révélations d’abus sexuels sur femmes et enfants, de souffrances psychiques de jeunes filles livrées à la concupiscence des hommes de pouvoir, souvent bien plus âgés qu’elles. Pour Marcel Mauss (1925) le fait social total est une activité qui engage la société dans l’ensemble de ses fonctionnements, qui en révèle les normes, les…