La voix du politique
Éditorial

La voix du politique

La bien nommée voix, celle que l’on accorde au candidat, symbolisée par un bulletin glissé dans l’urne, fait écho à une autre voix, celle de la parole donnée, engageant publiquement son auteur : la personnalité politique. Une voix s’accordant à une autre, un pacte en somme, dont l’un des deux signataires, le votant, s’empressera après-coup de dénoncer les accrocs et les défaillances.

Lacan nous a appris que l’inconscient est structuré comme un discours. Or le discours, prononcé par la voix du politique, en est le mode d’expression par excellence et l’on comprend pourquoi à ses attendus la psychanalyse préfèrera ses inattendus, ses trébuchements, en somme tout ce qui indique l’émergence du désir inconscient, lequel ne se signale jamais aussi clairement que dans l’accidentel. Le discours est à ce point phénomène de langage, sujet aux équivoques et aux errances, que l’on ne manquera pas de faire reproche aux politiques de leurs mensonges, de leurs manquements, de leurs silences… voire de leur double discours !
Mais ce sont surtout de leurs lapsus que la presse s’emparera et les plus féroces détracteurs de la psychanalyse eux-mêmes se feront avec jubilation interprètes des intentions inconscientes de la personnalité politique à qui ces lapsus auront échappé.

L’aveuglement typique dû à l’amour de transfert, moteur de la cure psychanalytique, se manifeste évidemment dans la confiance accordée à un candidat : cette notion de transfert est liée chez Lacan à l’hypothèse d’un sujet supposé savoir : ce savoir supposé, l’homme politique en est également investi par ses partisans, à ceci près que, contrairement à l’analyste dont la neutralité et le silence peuvent permettre de maintenir cette illusion, les discours et les actes du politique, ainsi que sa prétendue « transparence », l’exposent à décevoir très vite cette hypothèse.