On pourrait penser que la notion même de « fleur bleue » a quelque chose de désuet, en cette période où les adolescents semblent envisager d’avoir des relations sexuelles de plus en plus précocement et où les médias font étalage devant tous du sexe et de ce qui s’y rattache. Ces faits donnent à penser que les tabous autour de la sexualité seraient brisés. Ainsi, Claude Nougaro entonne en 2004 « La Fleur Bleue »1 : « [...] La Fleur Bleue veut plus fleurir / [...], La fleur bleue à peine éclose / Voyait du rose dans la vie / Son roman à l’eau de rose est décidément flétri / L’innocence n’est plus de mise / Les illusions de pureté / Ont bouclé toutes leurs valises / La fleur bleue s’y est jetée [... »]. Pourtant, il n’en est rien : aujourd’hui, comme hier, on rencontre fréquemment des adolescentes qui, bien qu’elles n’aient plus les caractéristiques des « jeunes filles en fleur » de Proust, n’en restent pas moins « fleurs bleues ».
La langue française est la seule à posséder cette expression à connotation plutôt négative. Cet idiome désigne les jeunes filles romantiques, qui préfèrent rêver au prince charmant plutôt que de se confronter à la réalité sexuelle de l’autre sexe. L’origine de l’expression est allemande : la Blaue Blume fut imaginée par le jeune poète Novalis à la fin du 18ème siècle. Heinrich von Offterdingen, le jeune héros du roman éponyme, fait le rêve suivant : il arrive dans une clairière au milieu de laquelle il aperçoit une fleur, svelte et d’un bleu intense. Elle est entourée d’autres fleurs suavement odorantes, mais Heinrich ne voit qu’elle. Il la contemple avec une indescriptible tendresse. La fleur tressaillit lorsqu’il s’approche d’elle, elle s’incline vers lui et ses pétales forment une collerette bleue au sein de…