Le double créateur dans l’écriture de soi
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Le double créateur dans l’écriture de soi

L’écriture de soi, selon l’expression de Michel Foucault, regroupe plusieurs formes d’écriture comme les journaux intimes, la littérature autobiographique, l’autofiction, certaines formes de correspondance mais ce registre d’écriture peut également se retrouver, à l’heure du développement des technologies de la communication et du numérique, dans les réseaux sociaux ou dans certaines modalités de communication à distance. Il s’agit donc d’un champ très large, très ouvert, et en cours de transformation.

En se présentant comme des lieux d’expression et de création de soi, ces dispositifs d’écriture permettent de s’interroger, à travers les nombreux processus qu’ils mobilisent, sur ce qui se produit au sein de la subjectivité du côté de la relation à soi mais aussi du côté de la relation à un autre, qu’il s’agisse d’un autre interne mis en scène dans l’écriture ou d’un destinataire autre que soi auquel le sujet s’adresse potentiellement, ce qui me conduira à souligner la valeur transitionnelle et créative de ce type de dispositif. Cette forme d’écriture sollicite en effet particulièrement la subjectivité au niveau de l’agencement ou du réagencement d’un certain nombre de processus et d’enjeux de la vie psychique que l’on peut situer autour de la question de l’identité, du rapport à soi et du rapport à l’autre. On peut dire que l’écriture de soi fait référence à un travail de l’identité qui trouvera à partir du registre de la narration matière à se transformer.

De ce point de vue, l’écriture de soi se présente comme un support particulièrement riche pour appréhender les modalités de transformations psychiques à l’œuvre dans la construction et la reconstruction de l’identité et de la subjectivité. L’adresse plus ou moins implicite à un autre peut apparaître en effet comme un moyen permettant au sujet de se relier à lui-même, de s’éprouver et de se penser lui-même et donc de se transformer au sein d’un nouveau rapport à soi. L’exemple célèbre du journal d’Anne Frank nous fournit ici une illustration éloquente. Voilà ce qu’elle écrit dans les premières pages de son journal1.

Le journal d’Anne Frank

Le 12 juin 1942

« J’espère pouvoir tout te confier comme je n’ai encore pu le faire à personne ; j’espère aussi que tu seras pour moi un grand soutien. »

Le 14 juin 1942

« Le vendredi 12 juin, je me réveillai avant le coup de six heures, chose compréhensible puisque c’était le jour de mon anniversaire. (…) Dès sept heures, j’allai voir Papa et Maman, et je pus enfin déballer mes cadeaux au salon. La toute première surprise ce fut toi – en parlant de son journal -, un de mes plus beaux cadeaux probablement. »

Puis, elle termine en s’adressant directement à son journal :

« Salut, Journal, je te trouve merveilleux ! »

Le 20 juin 1942

« Il y a plusieurs jours que je n’ai plus écrit ; il me fallait réfléchir une fois pour toutes à ce que signifie un Journal. C’est pour moi une sensation bien singulière d’exprimer mes pensées, non seulement parce que je n’ai jamais écrit encore, mais parce qu’il me semble que, plus tard, ni moi ni qui que ce soit d’autre ne s’intéresserait aux confidences d’une écolière de 13 ans. Enfin, cela n’a aucune importance. J’ai envie d’écrire, et bien plus encore de sonder mon cœur à propos de toutes sortes de choses. « Le papier est plus patient que les hommes. » Ce dicton me traversa l’esprit alors qu’un jour de légère mélancolie je m’ennuyais à cent sous l’heure, la tête appuyée sur les mains, trop cafardeuse pour me décider à sortir ou à rester chez moi. Oui, en effet, le papier est patient, et, comme je présume que personne ne se souciera de ce cahier cartonné dignement intitulé Journal, je n’ai aucune intention de jamais le faire lire, à moins que je ne rencontre dans ma vie l’Ami ou l’Amie à qui le montrer. Me voilà arrivée au point de départ, à l’idée de commencer un Journal : je n’ai pas d’amie.

Afin d’être plus claire, je m’explique encore. Personne ne voudra croire qu’une fillette de treize ans se trouve seule au monde. D’ailleurs, ce n’est pas tout à fait vrai : j’ai des parents que j’aime beaucoup et une sœur de seize ans ; j’ai, tout compte fait, une trentaine de camarades parmi lesquels de soi-disant amies ; j’ai des admirateurs à la pelle qui me suivent du regard, tandis que ceux qui, en classe, sont mal placés pour me voir, tentent de saisir mon image à l’aide d’une petite glace de poche. J’ai de la famille, d’aimables oncles et tantes, un foyer agréable, non, il ne me manque rien apparemment, sauf l’Amie. Avec mes camarades, je ne puis que m’amuser, rien de plus. Je ne parviens jamais à parler avec eux d’autre chose que de banalités, même avec une de mes amies, car il nous est impossible de devenir plus intimes, c’est là le hic. Ce manque de confiance est peut-être mon défaut à moi. En tout cas, je me trouve devant un fait accompli, et c’est assez dommage de ne pas pouvoir l’ignorer.

C’est là la raison d’être de ce Journal. Afin de mieux évoquer l’image que je me fais d’une amie longuement attendue, je ne veux pas me limiter à de simples faits, comme le font tant d’autres, mais je désire que ce Journal personnifie l’Amie. Et cette amie s’appellera Kitty. Kitty ignore encore tout de moi. Il me faut donc raconter brièvement l’histoire de ma vie » (Frank, 1950, p. 15-20).

Au début de son journal, qui précède de quelques semaines l’enfermement dans l’annexe de l’entreprise paternelle, Anne Frank s’explique sur les raisons qui la poussent à écrire. Bien qu’elle se sente bien entourée, Anne Frank ne trouve personne à qui confier ce qu’elle vit. Tout un pan de sa subjectivité, et en particulier le registre de l’intimité, semble être en souffrance, impossible à partager, ce qui conduit Anne Frank à éprouver une grande solitude : « Je n’ai pas d’amie ». Solitude de l’adolescent face aux transformations de la puberté, solitude qui ne permet plus le recours narcissique aux objets internes intériorisés au cours de l’enfance.

En incarnant l’amie idéale (Chiantaretto, 2005), l’objet-journal devient le support privilégié de l’expression de son intimité. Mais ce dont témoignent les premières lignes du journal c’est peut-être avant toute chose d’une rencontre avec un objet correspondant en tout point à ce qu’elle attend : « Ma première surprise ce fut toi, un de mes plus beaux cadeaux probablement. »

Dans cette situation inaugurale qui sous-tend la construction du journal comme création d’un espace intime, le journal apparaît comme une première forme de double investie sur le mode du trouvé / créé qui n’est pas sans rappeler les premières formes d’investissement de l’objet : « Journal, je te trouve merveilleux ! » Telle une mère s’adressant à son bébé, cette parole originaire prend la valeur d’un acte de naissance, d’une nouvelle naissance à soi, qui trouve un écho dans l’expression de la béatitude du nouveau-né regardant et admirant sa mère.

On peut dire en appui sur D. W. Winnicott (1971) que le visage maternel est le premier double que rencontre le sujet. Ainsi, lorsqu’il regarde sa mère l’enfant se voit lui-même, à condition que son visage reflète ce qu’elle est en train de regarder. Le bébé se trouve ici dans cette situation particulière de se trouver / créer dans le regard de sa mère, ce que je reformulerais de la façon suivante : il se trouve / crée lui-même là où il est reflété par l’objet. L’investissement de cet objet-double trouvé / créé permettrait un premier rassemblement, une première harmonisation des éprouvés de soi, ce qui donne l’occasion au sujet de s’éprouver lui-même comme étant à l’origine de ce qu’il vit et sent, dans une forme d’illusion narcissique primaire.

Cette première forme d’investissement, que l’on retrouve au moment de la puberté dans la création de l’objet-journal, participerait de façon essentielle pour Anne Frank à la constitution d’un nouveau fond psychique sur lequel pourront s’inscrire les événements de sa vie psychique sous une forme potentiellement réflexive.

J.-F. Chiantaretto (2005) a pu montrer comment le journal est d’abord investi comme un journal-compagnon, une incarnation de l’amie idéale avant de s’établir sous la forme d’une correspondance adressée au personnage fictionnel de Kitty. L’auteur indique en effet que l’introduction du personnage de Kitty comme destinataire unique intervient en réalité plus tard dans la rédaction, avant d’être généralisée à l’ensemble du journal au moment de sa réécriture près de deux ans plus tard à partir du printemps 1944. Ce changement d’adresse sera d’ailleurs précédé par une première rupture correspondant au moment où Anne Frank décide d’écrire son journal sous la forme de lettres adressées à plusieurs personnages fictifs.

Marquée par plusieurs bilans rétrospectifs, cette trajectoire témoigne d’une évolution où Anne Frank transforme le dispositif d’écriture en donnant une forme fictionnelle à son journal (Chiantaretto, 2005) par la correspondance. Cette nouvelle mise en forme du journal sera d’ailleurs « activée par l’insécurité et la claustration imposée par la clandestinité » (Chiantaretto, 2005). Elle révèle en même temps une transformation du rapport à soi dont on connaît l’importance au moment de l’adolescence. Ce changement d’adresse modifie le cadre narratif et instaure du même coup un nouvel écart au sein du rapport à soi : « Kitty ignore encore tout de moi. Il me faut donc raconter brièvement l’histoire de ma vie ».

En personnifiant son journal, Anne Frank ouvre un espace d’interlocution interne (Chiantaretto, 2005) au sein duquel elle va pouvoir, au fur et à mesure de l’écriture, se saisir et se révéler dans et par la relation à elle-même et, particulièrement, dans et par la relation à Kitty, objet-double imaginaire auquel elle s’adresse. Par ce procédé, la diariste instaure un nouveau dialogue intérieur d’où surgiront de nouvelles représentations de soi. L’investissement d’un objet-double ici convoqué par l’expérience du journal intime devient alors un support privilégié pour qu’un tel travail psychique puisse s’accomplir. On retrouve ici une des configurations centrales du dispositif psychanalytique où, sous certaines conditions, l’analyste pourra selon Guy Lavallée (2000) être investi comme un « interlocuteur transitionnel » du moi, autrement dit un autre à qui je me parle. Mais l’expérience du journal intime chez Anne Frank, alors confrontée aux enjeux psychiques de la puberté, montre aussi combien le miroir interne constitué au cours de l’enfance n’est plus en mesure de soutenir les processus d’appropriation de soi. En mettant à l’épreuve le vécu d’une certaine continuité identitaire, ce contexte la pousse au contraire à (re)créer un objet-double adéquat et compatible avec les logiques propres au travail psychique qui lui incombe.

La création du journal procèderait de ce point de vue, tout autant d’une matérialisation d’un fond psychique réflexif en cours de transformation que d’une mise en scène de soi qui convoquera particulièrement l’histoire des formes de la réflexivité à partir desquelles un sujet parvient à s’éprouver et à se penser lui-même.

Écriture de soi et réflexivité

L’écriture de soi mobilise la réflexivité à plusieurs niveaux. Par exemple, l’écrit permet au scripteur de se relire, de revenir sur ce qui a été écrit, il instaure une dynamique où le sujet peut tout autant anticiper sur ce qu’il va dire que revenir sur ce qu’il a énoncé pour le transformer ou le reconsidérer à la lumière des avancées de son récit. Mais si le travail de l’écriture indique en lui-même un retour sur soi, il constitue également, par sa matérialité même, un support pour se réfléchir. L’écrit joue alors le rôle d’un miroir de la pensée, un moyen de figurer concrètement les mouvements de la vie psychique, de fixer et de rassembler sous la forme cohérente d’un récit ce qui peut être vécu de façon chaotique, énigmatique ou en attente de sens.

Selon Chiantaretto (2014), « l’écriture de soi (…) met toujours en scène une tension entre deux positions psychiques : attester d’une identité (voilà qui je suis), témoigner d’une altération (voilà qui je suis empêché d’être). L’enjeu semble la délimitation de soi, au sens d’un espace intérieur, d’un lieu singulier d’interlocution interne. » Comme tout travail de création, l’écriture de soi met en tension le sujet avec ce qui lui échappe et qui l’habite tout à la fois. Elle ouvre un espace d’accueil de l’autre en soi, d’une expérience insuffisamment reconnue comme telle et bien souvent porteuse d’une énigme – dont le sujet pressent qu’elle recèle une valeur subjective – qu’il s’agira de dévoiler ou de construire en tentant de la saisir et en lui donnant une forme appropriable.

Mais l’expérience à créer peut également receler un potentiel désorganisateur, en particulier dans certaines conjonctures psychiques, et il est nécessaire alors que le sujet construise les conditions d’accueil de cette matière incréée de soi, ce qui implique une disposition psychique spécifique. En d’autres termes, il doit organiser les conditions d’une continuité suffisante pour amortir en quelque sorte l’impact de l’altérité qui cherche à s’actualiser et à se mêler à la trame de sa subjectivité. René Roussillon (2007) indique à cet égard qu’il est nécessaire pour le créateur de « trouver et créer le lieu spécifique qui peut “envelopper”, entourer l’espace créatif ».

Ce travail suppose alors l’établissement d’un champ intermédiaire d’expérience au sein duquel l’altérité pourra se déployer sans faire courir le risque de déborder les capacités de traitement dont dispose le sujet. Il s’agirait ici de se constituer un lieu psychique suffisamment secure et protecteur, et donc propice à l’émergence d’une « altérité subjectivante », pour permettre au sujet de commencer à approcher certaines zones troubles de sa psyché mobilisées par le processus créateur. Ce lieu, que l’on peut qualifier de transitionnel, permettra de combiner sans les opposer les expériences qui relèvent du connu, du familier avec celles empreintes des dimensions de l’inconnu et de l’étrangeté.

Si, pour Anne Frank, cette autre scène tend d’abord à s’inscrire comme un prolongement de soi destiné à soutenir la continuité interne, elle s’établit aussi progressivement comme un espace de différenciation et de séparation psychique. On pourrait parler ici d’une double séparation mais aussi d’une double liaison, entre le dedans et le dehors, entre soi et l’autre d’une part et entre soi et soi ou entre différents « moments de soi » ou parties de soi d’autre part.

Cet agencement de la subjectivité, tel qu’il apparaît dans le journal intime mais sans doute aussi dans d’autres domaines de la création, témoigne de la façon dont la réflexivité s’établit progressivement, au cours du développement et en appui sur les investissements en double, à partir de deux pôles à la fois opposés et en même temps étroitement liés l’un à l’autre, à savoir celui de l’identité à soi et celui de l’altérité à soi. Lorsqu’ils sont suffisamment articulés l’un à l’autre, ces deux pôles sous-tendraient la création d’un miroir intérieur permettant de commencer à discerner à l’intérieur de soi ce qui vient de soi et ce qui vient de l’autre, mais aussi, de s’observer soi-même à partir du regard intériorisé de l’objet ou encore de s’observer soi-même en train d’observer l’autre en soi.

Ces différents processus, qui s’étayent sur le dispositif d’écriture, soutiennent l’exercice d’une réflexivité au service de soi, autrement dit une réflexivité « subjectivante » au sein de laquelle le sujet pourra être en mesure de se créer lui-même subjectivement en assimilant certains aspects de l’altérité interne en souffrance et/ou en quête d’intégration. Dans ce type de conjoncture psychique, l’altérité se présente non pas sous une forme désorganisatrice mais sous une forme potentiellement assimilable et structurante. Mais cela signifie que cet autre intérieur se doit d’être médiatisé par la figure du double, dans un mouvement de transit de l’identité, pour trouver une forme assimilable qui nourrira la réflexivité interne.

Ainsi, l’écriture de soi convoque d’une façon essentielle la dimension de l’autre, de l’altérité. Si cette altérité renvoie au monde interne du sujet et concerne des aspects de soi non encore advenus, elle peut aussi renvoyer à un autre soi-même comme lieu d’interlocution interne voire à un autre extérieur, par exemple à travers l’adresse plus ou moins implicite à un tiers lecteur. Cet autre peut être clairement identifié ou bien être activement méconnu, se révéler progressivement dans le processus d’écriture ou dans l’après-coup.

L’altérité serait en quelque sorte consubstantielle au travail de l’écriture, à l’écriture comme travail de création. Je dirais après d’autres que l’écriture de soi implique toujours l’idée d’un autre, d’un « autre semblable » en appui duquel le sujet pourra se découvrir comme même et autre, même et différent de soi. L’écriture de soi sous-tend ce que l’on pourrait appeler une écriture de l’autre en soi, fond à partir duquel le sujet tentera de se subjectiver grâce à un travail de distanciation objectivante et de reprise subjectivante. Ce registre de l’altérité, qui sous-tend le processus de l’écriture prendra une consistance particulière dans la figure du double, celle-ci permettra en effet d’en faciliter l’expression tout en réduisant les effets de son impact sur le moi mais aussi d’en transformer les enjeux grâce à l’écart qu’elle introduit au sein de la subjectivité.

On se souvient par exemple du rôle qu’a pu jouer la correspondance entre Freud et Fliess et ses effets de double dans l’émergence de la psychanalyse. Le double qu’a pu incarner Fliess est sans doute à penser, au-delà de ses enjeux strictement narcissiques, comme une source de vitalité et de créativité psychique qui suppose un rapport à un « autre double de soi » investi dans un registre transitionnel. On peut dire qu’ici l’absence perceptive d’un réel interlocuteur soutient le développement d’une relation à un autre imaginaire grâce à laquelle l’écrivant pourra se produire lui-même subjectivement grâce au processus d’écriture. L’autre est pour ainsi dire présent et absent, ce qui invite l’écrivant à créer ou à recréer son interlocuteur au sein de son espace psychique, à l’imaginer, à lui attribuer des pensées ou encore des intentions le concernant.

L’écriture, et peut être de façon particulière l’écriture de soi, ouvre donc un espace entre soi et soi et entre soi et l’autre, ce qui suppose l’existence d’un « autre virtuel » selon la notion introduite par S. Bräten (1988). L’autre virtuel est ce qui conditionne l’accès à une représentation d’autrui. En permettant la relation à un autre, l’autre virtuel peut être pensé comme une anticipation de l’existence d’autrui, un préalable à sa rencontre. Mais cet autre virtuel me semble devoir être dialectisé avec ce qu’on peut appeler un « double virtuel », destiné à constituer l’objet comme un double de soi. Ce double virtuel serait progressivement transformé et actualisé dans la rencontre avec l’objet investi dans sa fonction miroir.

Suivant cette perspective, la réflexivité de soi à soi trouve matière à se créer et à se transformer grâce à une réflexivité qui inclut l’objet, un objet dont les particularités seront pour partie filtrées par les investissements en double et « utilisées » au service de la subjectivité et du développement de la réflexivité interne. Dans ces conditions, l’objet-double peut être investi à des fins de créativité psychique en constituant une sorte de matrice créatrice de soi. Les dispositifs mettant en scène une « écriture de soi » nous montrent comment l’autre peut se trouver investi pour soutenir et développer la réflexivité interne, pour créer un lien avec soi-même, parfois même, en particulier dans certaines situations critiques, pour permettre le rétablissement d’un rapport à soi ou encore, de façon parfois très ténue, d’un « sentiment continu d’exister » pour reprendre une expression de Winnicott.

Notes

1- Il s’agit en réalité du début du journal en partie remanié au moment de sa réécriture à partir du printemps 1944. Cette version correspond à l’édition officielle parue en 1950 (Frank A., 1947, Le journal d’Anne Frank, Calmann-Lévy, 1950).

Bibliographie

Bräten S., (1988), « The virtual other », in Campanella et coll., Between Rationality and Cognition, Albert Meynier, p. 205-235.

Chiantaretto J.-F., (2005), Le témoin interne. Trouver en soi la force de résister, Paris, Flammarion-Aubier.

Chiantaretto J.-F., (dir.), (2014), Écritures de soi, écritures des limites, Paris, Hermann.

Frank A., (1947), Le journal d’Anne Frank, Calmann-Lévy, 1950.

Jung J., (2015), Le sujet et son double. La construction transitionnelle de l’identité, Paris, Dunod.

Lavallée G., (2000), « Le défaut de subjectivation : l’interlocuteur transitionnel et sa médiation symbolisante », in Raoult P. A. et coll., Le transfert en extension, Paris, L’Harmattan, p. 151-162.

Roussillon R., (2007), « L’incréé et son intrigue », in Brun A., Talpin J.-M. et coll., Cliniques de la création, Bruxelles, De Boeck, p. 7-16

Winnicott D. W., (1971), « Le rôle de miroir de la mère et de la famille dans le développement de l’enfant », in Jeu et réalité, Paris, Gallimard, p. 153-162

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La création et ses environnements