Ce premier quart du xxie siècle a vu se propager en France le concept de harcèlement, désormais omniprésent dans les médias, dans la loi et dans le langage. Il s’avère protéiforme, tant il peut être défini selon sa forme (physique, moral ou sexuel) et le lieu où il apparaît (travail, rue, en ligne, à l’école). On pourrait croire que ce phénomène est nouveau, il n’en est rien. Le harcèlement scolaire, par exemple, est transculturel et transhistorique. Des cas rapportés dès le xviiie siècle montrent que ce sont surtout les perceptions sociétales vis-à-vis du phénomène qui évoluent selon les lieux et les époques (Koo, 2007). Ainsi, s’il a pu être considéré comme un « rite de passage » tacitement accepté, il est reconnu aujourd’hui comme un problème sociétal majeur. Nous proposons d’explorer ici la genèse conceptuelle des différentes formes de harcèlement reconnues en France : sexuel, moral et scolaire. Cette exploration permet d’interroger le harcèlement scolaire qui, au-delà d’une proximité sémantique particulière au contexte français, suggère aussi une continuité à la fois au niveau institutionnel entre le monde de l’école et du travail, mais aussi au niveau psychique entre l’enfant et l’adulte.
Naissance, reconnaissance et expansion d’un concept
Le terme « harcèlement » partage sa racine avec « herse », un outil permettant de retourner la terre y laissant de profondes empreintes. Le terme existe aussi en anglais, sous la forme de harassment – du français « harasser » – mais il est plus spécifiquement appliqué au harcèlement sexuel. C’est aux États-Unis, dans les années 1960, que les militantes féministes se sont emparées de ce problème, suivies dans les années 1970 par des juristes qui l’ont défini comme une forme de discrimination fondée sur le sexe, comme l’illustre l’ouvrage fondateur Sexual Harassment of Working Women (MacKinnon,…
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