Le maître du monde
Éditorial

Le maître du monde

« Le bon côté de la pandémie c’est qu’un jour ce sera fini, on vivra un vrai moment de libération, bas les masques ! » Quand bien même tout un chacun n’est pas doté de ce bel optimisme, celui qui permet à ce patient de se réjouir de la fête à venir, la pandémie a le mérite d’être circonscrite dans le temps. Sauf pour les plus sombres, qui ruminent déjà l’arrivée de la suivante… Avec la décapitation du professeur et la multiplicité des gestes terroristes, la perspective est sensiblement plus incertaine, et donc angoissante. L’idée que ce sera bientôt fini ne rencontre aucun écho sur le divan (guère plus ailleurs). La rareté économique, promise par la combinaison du bouleversement écologique et du développement exponentiel de la démographie, garantit aux délires de masse et à leurs funestes conséquences un bel avenir.

Mais de tous les maux qui accablent le monde par les temps qui courent, celui qui remporte la palme psychanalytique (à l’aune de mon expérience, sans valeur statistique donc), qui nourrit chez l’analysant tant l’excitation que l’angoisse, provoque l’association et nourrit le fantasme, « l’élu de l’inconscient » c’est sans conteste « Trump » ! Jamais une élection américaine n’avait instillé une telle tension anxieuse. Une nuit d’enfer, du cauchemar de la Floride perdue, à la bouffée d’air du Wisconsin gagné. « Trump » qui, du processus primaire, présente à la fois le physique et le mental, met en communication plusieurs niveaux de représentations. Au niveau « logos », il exemplifie mieux que quiconque le glissement dangereux qui s’opère au sein des démocraties : de l’opposition droite-gauche, à l’antagonisme démocrates (de droite ou de gauche) – populistes. Au niveau de la vie pulsionnelle, l’homme « le plus puissant de la planète », séduit par la tyrannie, se délectant de l’arbitraire, mentant comme il respire, non seulement redonne du tonus au couple freudien « der Führer und die Massen », mais prête volontiers sa houppette au Méphisto qui ricane au fond de chacun de nous.

Pr Jacques André
Vient de publier Folies paternelles avec Catherine Chabert, aux PUF