Le psychodrame avec des patients somatisants
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Le psychodrame avec des patients somatisants

Pendant longtemps, Pierre Marty n’a pas voulu entendre parler de psychodrame. Il a toutefois accepté de nous laisser tenter une expérience de psychodrame à l’Institut de Psychosomatique (IPSO) avec des patients somatisants. Elle dure depuis 18 ans.

P. Marty assimilait cette technique à une thérapie de groupe et devait craindre que la multiplicité des liens ne provoque une confrontation forcée du patient à une conflictualité oedipienne non intégrable par son propre fonctionnement psychique. Il devait supposer que le psychodrame laisserait moins d’échappatoires aux patients intolérants aux situations triangulées conflictuelles et qu’il en résulterait un risque accru de désorganisation somatique.

Si les psychosomaticiens se sont méfiés du psychodrame jusqu’en 1990, il n’en a pas été de même pour les praticiens et théoriciens du psychodrame vis-à-vis de la théorie psychosomatique pendant la même période. En 1958, S. Lebovici, R. Diatkine et E. Kestemberg posaient comme principe général des indications du psychodrame qu’il s’adresse à des patients ne pouvant pas bénéficier de psychothérapies verbales. Cette distinction paraît curieuse aujourd’hui mais s’inscrit à l’époque dans une visée d’aide à la verbalisation lorsque celle-ci est entravée.

En 1987, E. Kestemberg et P. Jeammet avancent que le psychodrame n’est pas opposé aux thérapies verbales et la notion d’entraves à la verbalisation laisse la place à celle d’entraves au fonctionnement psychique. Le but primordial du psychodrame devient la remise en fonctionnement des capacités préconscientes du sujet, but que se fixaient les psychosomaticiens pour leurs patients somatisants. Au psychodrame, il s’agit d’atteindre ce but par des moyens qui apparaissent en bien des points comparables à la technique de thérapie des patients somatiques, qu’il s’agisse, comme l’ont écrit les auteurs, d’offrir “une béquille sensorielle” aux patients, d’animer leurs capacités fantasmatiques associatives en ayant recours aux fantasmes des thérapeutes et du meneur, ou de favoriser des latéralisations du transfert.

Les indications du psychodrame concernent désormais en premier lieu des sujets dont les psychosomaticiens diraient qu’ils ont une mentalisation défaillante, chez qui le manque de liberté associative entravant leur fonctionnement mental peut entraîner “une pensée de type opératoire qui ne s’intéresse qu’au factuel et fuit les émotions”. Ainsi, au moment même où P. Marty et les psychosomaticiens récusaient le psychodrame comme méthode de traitement pour ces patients mal mentalisés, ceux-ci deviennent, pour les psychodramatistes leur indication principale et même la raison d’être du psychodrame.

La fonction maternelle du thérapeute estelle compatible avec le psychodrame ?

La technique prudente préconisée par P. Marty avec les patients somatisants, surtout s’ils ont un fonctionnement opératoire, peut sembler, au premier abord, assez peu compatible avec le psychodrame. Dans une thérapie individuelle, il s’agit, avant tout, d’éviter de traumatiser ces patients chez qui s’exprime une forte tendance à la déliaison et à la dissolution de l’activité représentative, et sur qui pèse, de ce fait, un risque de désorganisation somatique.

La première tâche du thérapeute, selon P. Marty, n’est donc pas d’interpréter ce qu’il trouve dangereux, mais d’assurer une forme d’accompagnement qu’il a appelée “fonction maternelle du thérapeute”. Celle-ci assure un accompagnement, un mode de relation qui vise à entraîner le patient à créer des liens, quels qu’ils soient. Or, la théorie du psychodrame a repris également cet objectif, en considérant que son dispositif incite le patient à créer des liens en fournissant à celui-ci des représentations. Cette caractéristique du psychodrame, censée poursuivre le même but que la fonction maternelle du thérapeute selon P. Marty, est presque son contraire. Au psychodrame, l’activité de liaison associative du patient est stimulée par les figurations apportées par les cothérapeutes dans le jeu et par le meneur lors de la reprise du matériel, ne serait-ce que, par exemple, lorsqu’il établit des liens entre la scène qui vient d’être jouée et d’autres jouées antérieurement.

On comprend qu’un enrichissement de l’épaisseur du préconscient du patient peut en être attendu. Cependant, les psychodramatistes sont loin de la “prudence du démineur” préconisée par P. Marty, et semblent ignorer que l’injection de fantasmes peut avoir des effets plus néfastes chez un patient au fonctionnement psychique “inachevé”. En proposant ses propres associations, l’analyste risque de confronter son patient à un fonctionnement psychique achevé postoedipien qui lui est inaccessible. La perception du manque qui s’ensuit peut alors provoquer une blessure narcissique. Chez les patients somatisants, ce risque se double d’un risque d’atteinte du somatique. D’où les aménagements techniques préconisés par P. Marty afin de diminuer ce danger par rapport à celui que fait encourir la cure classique. Or, le psychodrame expose plus encore que la cure-type le fonctionnement psychique des thérapeutes et leur nombre démultiplie aussi le risque de survenue d’une telle blessure narcissique.

A propos d’un exemple d’intervention de Pierre Marty

Un exemple d’intervention dans une cure donné par P. Marty concerne la répression et permet aussi de mieux comprendre la technique prudente qu’il recommande. On l’imagine facilement transposé au psychodrame : “Il m’arrive, dit P. Marty, de dire à un patient qui me raconte comment il s’est abstenu de répondre à une agression dont il a été l’objet : “Vous savez ? moi j’agis autrement ; si quelqu’un me marche sur le pied dans le métro, j’ai envie de le tuer. Bien sûr, je ne le tue pas !, mais je suis furieux, je fais la tête, et au bout d’un moment, je me mets en colère contre moi-même et l’excuse. Il ne l’a pas fait exprès. Mais n’importe comment, il m’a fait mal et je reconnais que, sur le moment, j’ai eu envie de le tuer. Mais moi, je ne suis pas vous”. On voit bien que, bien que se méfiant du psychodrame avec les patients somatiques, P. Marty préconisait des interventions au style psychodramatique, et en faisait lui-même très souvent. Que peut-on imaginer de l’exemple de P. Marty s’il était transposé au psychodrame ?

Je pense que le simple fait qu’un cothérapeute joue la scène en supprimant la répression de l’agressivité du patient permettrait de montrer à celui-ci qu’un autre fonctionnement est possible dans lequel des désirs peuvent s’exprimer et être reconnus. Le psychodrame permettrait, théoriquement encore, de proposer d’autres versions de cette scène, par exemple en exagérant le système de répression du patient à la façon d’un miroir grossissant. Le psychodrame pourrait encore permettre une inversion des rôles, en plaçant le patient à son tour en position d’écraseur de pieds et d’agresseur. Le dispositif du psychodrame aurait encore théoriquement l’avantage que le meneur s’expose moins, en laissant le soin aux cothérapeutes d’exprimer dans le jeu ce que P. Marty seul en face de son patient, doit lui expliquer dans un long monologue. En faisant l’économie de cette démonstration explicative grâce au jeu auquel il ne participe pas directement, le meneur risquerait moins de compromettre sa neutralité.
Mais, cette intense activité de liaison qui fait l’intérêt du psychodrame avec des patients psychosomatiques est également ce qui peut le faire échouer, car le bon déroulement de chacune des occurrences de jeu mentionnées peut être entravé par une blessure narcissique résultant de la confrontation à un fonctionnement auquel le patient ne peut pas s’identifier.

Le psychodrame et la répression

Il n’en reste pas moins que le psychodrame se révèle une technique particulièrement intéressante, me semble-il, dans le cas d’une répression d’affects et/ou de représentations. Nous avons fait, des séances d’exploration avec un garçon de 13 ans, Louis, qui a un sévère eczéma généralisé cortico-dépendant et une névrose d’enfant sage depuis l’âge de 4 ans. Il est très difficile de lui arracher quelques indications pour jouer. A la première séance, les procédés usuels par des questions du genre : “ça se passerait où ?, dehors ou dedans ?, il y aurait qui ?” etc., permettent d’obtenir, comme indication de jeu, que la scène se passerait au collège où aurait lieu une discussion entre deux copains, lui-même étant absent. Il joue l’un des deux. L’autre est joué par un cothérapeute qui ne manque pas de rapporter cette absence à des conflits, par exemple qu’il craint de se mesurer à ses copains. Le copain joué par Louis, de son côté, explique que Louis est absent parce qu’il est en train d’aider ses parents à la maison, qu’il met la table et fait ses devoirs.

Dans la reprise de la scène avec moi, il m’explique qu’il n’y a aucun conflit entre “aller jouer avec ses copains” et “rester faire ses devoirs” et “être raisonnable”. Il n’a pas d’autres désirs que d’être sérieux, serviable et gentil.

Dans la scène suivante, il est avec ses gentils grands-parents. Les deux cothérapeutes qui jouent leurs rôles conflictualisent de toutes les façons possibles, en comparant Louis à sa petite sœur qu’ils trouvent si parfaite, ou en le plaçant en situation d’avoir à choisir entre eux deux. L’une des interventions de Louis, dans cette scène, est pour dire qu’il ne pleure plus autant que lorsqu’il était enfant. J’interromps la scène là-dessus pour lui demander les raisons de ses pleurs. Il le faisait à chaque contrariété, me dit-il, réponse qui me permet de lui montrer que, s’il affirme ne jamais être contrarié maintenant, il y a bien eu un temps où il l’a été. Il en convient et me donne un exemple : quand on lui donnait un bonbon, il en voulait un second et n’en avait jamais assez. Puisqu’il n’est plus contrarié maintenant, je lui demande comment il a fait pour ne plus l’être ? Il me répond : “j’ai grandi”. J’entends, ici : “j’ai réprimé mes pulsions”, et je pense que c’est comme cela que s’est constituée sa névrose d’enfant sage.

C’est une telle répression de l’affect et un tel effort pour écarter des représentations qui me semblent à l’œuvre chez Louis comme chez le patient de P. Marty. Au psychodrame de Louis, de scène en scène, les cothérapeutes vont continuer à en rajouter du côté des conflits, qui deviennent de plus en plus violents, alors que Louis reste d’une docilité impressionnante, paraissant non concerné. Arrive la scène d’une discussion qu’il aurait avec ses deux sœurs. Les cothérapeutes jouent à des jeux de filles qui excluent Louis mais disent bien vouloir jouer avec lui à condition qu’il se déguise en fille. Il finit par réagir, relâchant la répression de son agressivité, en disant préférer un déguisement de cow-boy. Les cothérapeutes continuent à exacerber le conflit oedipien et la menace de castration. Elles lui donnent le costume et le revolver, mais la thérapeute qui tient le rôle de la petite sœur lui arrache son revolver et le casse. Louis dit “ce n’est pas grave”. J’arrête la scène et lui fais remarquer que “ce n’est pas grave” est une phrase qu’il répète très souvent. Il se justifie : non, ce n’était vraiment pas grave de lui enlever son revolver et le casser. Je lui demande ce qui pourrait bien être grave alors. Il répond que ce serait la mort de quelqu’un, une maladie, un accident. Je lui propose de jouer une scène de ce genre. Il y aurait donc un incendie et il serait pompier. Il essayerait de sauver deux personnes, un homme et une femme. A écouter cet énoncé, on peut se dire que la conflictualisation apportée par le psychodrame a quand même permis de relâcher la répression pour faire émerger cet intéressant fantasme de scène primitive.

L’impossibilité à jouer de l’opératoire

Le dispositif du psychodrame place le patient dans une situation triangulée conflictuelle et, lorsqu’il existe une insuffisance de fonctionnalité du refoulement chez lui, le psychodrame le confronte à son incapacité à élaborer son complexe d’oedipe. Cette confrontation au conflit oedipien me semble alors responsable d’une plus grande fréquence des arrêts de traitements, et dans l’expérience de notre équipe, également d’une plus grande fréquence d’indications récusées après quelques séances d’essai.

Un patient très opératoire qui ne fonctionne que dans le factuel et la reduplication projective se trouve, finalement, incapable de jouer. Le plus souvent, il n’a pas d’idées de scène à proposer. Il y a plusieurs façons d’envisager ce “je n’ai pas d’idées de scène à proposer”. Il me semble que certains patients qui disent ne pas avoir d’idées au psychodrame pratiquent ainsi une négation immobilisant le psychodrame sur un mode équivalent à une paralysie hystérique et j’ai montré à ce propos les analogies du psychodrame avec les rêves typiques. L’exhibition d’un manque d’idées par un patient me semble, en effet, comparable au rêve de confusion devant la nudité ainsi qu’au rêve d’examen, d’autant plus que ces rêves typiques s’accompagnent d’une paralysie de l’activité associative.

Avec les patients somatiques mal mentalisés, je crois que la distinction proposée par A. Green entre les patients qui disent ne penser à rien et ceux qui disent avoir un blanc de la pensée prend toute sa pertinence. Les premiers opèrent une négation : “je n’ai pas d’idées” masque qu’ils en ont trop. Ils expriment une pensée de transfert et la négation repose sur un refoulement. Les seconds tentent de communiquer un trouble de l’activité de penser, une suspension d’activité psychique. Le blanc de la pensée n’est pas évocateur d’un refoulement. C’est le cas des patients limites pour Green, et, des plus opératoires dans notre expérience. Ceux-là n’ont pas d’idées de scènes à jouer parce qu’ils sont fixés au factuel et à l’utilitaire. S’ils finissent par jouer un rôle, ils sont dans le réalisme, c’est-à-dire qu’ils jouent sans jouer. La nécessité qui les pousse à désinvestir les relations objectales compromet toutes les identifications, à commencer par l’identification au meneur.

L’investissement d’une équipe de psychodrame par un opératoire a ceci de particulier qu’il est contrecarré, à mon avis, par le fait que celui-ci cherche tout en même temps à désinvestir les relations individuelles sur un mode “désobjectalisant”. Je pense que cet investissement comportant une part de désinvestissement ne peut qu’empêcher les phénomènes identificatoires, notamment au meneur. Même si on peut supposer que la fragmentation du transfert pourrait être un atout avec certains patients somatisants, comme les transferts latéraux qui sont respectés et valorisés par les psychosomaticiens, il y a, me semble-t-il, une difficulté majeure due au fait que c’est le transfert lui-même qui est absent ou réduit au minimum. Et, selon moi, l’opératoire qui supporte la situation de psychodrame, ne le fait que grâce à une part non opératoire chez lui, autrement dit, un reste de fonctionnement névrotique ou psychotique.

Conflits, séduction et menace de castration au psychodrame

Même si le psychodrame crée des liens, il n’est pas vraiment assimilable à une fonction maternelle du thérapeute du fait qu’il favorise les tiraillements conflictuels et qu’il est bien difficile de lui ôter ce caractère conflictualisant qui lui est consubstantiel. L’adolescent qui choisit une scène en classe a toutes les chances de se trouver, dans le jeu, pris en sandwich entre un cothérapeute qui le pousse à satisfaire ses pulsions et un autre incarnant un surmoi qui s’y oppose. Le psychodrame est un dispositif qui pousse à transformer toutes sortes de situations en conflits entre instances, ce qui est l’un de ses atouts avec les névrosés mais n’est pas un avantage avec un patient qui n’a pas le même accès à ces conflits. Chez Louis, par exemple, la docilité ne me semble pas résulter d’une culpabilité en rapport avec l’action d’un surmoi individuel plus ou moins sévère. Je pense qu’il y a, chez lui, la volonté de n’avoir aucun conflit pour être en conformité à un idéal social qui les désavoue. Le consensus social en question ne me semble pas s’être forgé par l’identification au chef caractéristique de la psychologie des foules. Je pense plutôt qu’il s’y substitue. Dans l’exemple de son psychodrame, les cothérapeutes ont beaucoup cherché à conflictualiser en incarnant régulièrement une instance surmoïque classique à laquelle il n’est pas sûr qu’il ait accès.

M. Aisenstein a souligné le rôle d’activateur du fantasme de scène primitive du psychodrame et j’ai souligné son action sur le fantasme de séduction de l’enfant par l’adulte par de multiples voies. Je n’en évoquerais qu’une, celle de l’interprétation d’un rôle par un cothérapeute dont le premier réflexe est de débusquer le sexuel. Là encore, je pense qu’il y a quelque chose d’inéluctable au psychodrame. Même si la prudence prévaut, les thérapeutes jouent forcément double jeu et sont forcément dans le double sens et la bisexualité.

Il est banal de dire qu’une forme de séduction circule inévitablement au psychodrame, mais il faudrait ajouter qu’elle exacerbe le fantasme de séduction par l’adulte, cet adulte qui interpréte des propos innocents, des jeux d’enfants, pour y trouver de la sexualité d’adulte. Or, l’organisation mentale de certains patients ne résiste pas lorsque la pensée de liens sexuels est trop porteuse de risque de destruction. Lorsqu’il ne leur reste comme échappatoire que la déliaison de l’activité représentative, par l’isolation ou la répression par exemple, le psychodrame risque de leur couper ces derniers procédés défensifs et les laisser démunis.

La menace de castration me semble également inhérente aux messages délivrés par les thérapeutes dans le jeu. Cette menace est aussi une conséquence du plaisir de l’équipe du psychodrame à jouer. Les mécanismes communs à l’auto-érotisme et à l’interprétation décrits par D. Braunschweig et M. Fain sont tout aussi présents au psychodrame que dans la cure classique, et peut-être même plus encore. Je veux dire que ce plaisir érotique trouvé par les thérapeutes dans le jeu suscite chez eux un contre-transfert se manifestant défensivement par une tendance à vouloir en effacer les traces aux yeux du patient. La pratique de la scansion par le meneur fait également peser de façon permanente une menace de castration, utilisable de façon intéressante pour le processus analytique avec des névrosés, mais plus traumatisante avec les patients mal mentalisés.

Il y a donc des différences entre l’activité de liaison du psychodrame et l’activité de liaison du thérapeute accompagnant son patient somatique sur un mode maternel, selon la technique préconisée par P. Marty. Le psychodrame crée des liens, mais en prise directe avec le conflit oedipien et le complexe de castration. La visée de déconstruction de l’édifice névrotique y est au premier plan via les interprétations qui fusent de tous côtés. A celles qui sont données par le meneur, s’ajoutent les interventions des cothérapeutes qui ont souvent valeur d’interprétations psychanalytiques classiques.

Cependant, je crois que l’écart entre le psychodrame et la fonction maternelle du thérapeute n’est pas aussi grand qu’il n’y paraît. C’est parce qu’à mon avis, la fonction maternelle n’est pas aussi innocente qu’on veut bien le croire, en ce sens qu’elle aussi ne crée pas de liaisons débarrassées de toute pulsionnalité. Lorsqu’on parle de fonction maternelle, on ne peut pas faire l’impasse sur le désir de la mère. Ni chez une mère et son nourrisson, ni à propos de la fonction maternelle du thérapeute avec un patient. Elle n’existe pas sans père, sans tiers, sans traces de la scène primitive dont elle est issue, sans partage psychique conflictuel entre investissements de mère et investissements de femme. Elle n’existe pas, sans articulation avec la censure de l’amante.
Lorsqu’un thérapeute, se donne comme modèle de fonctionnement psychique en proposant ses propres associations sur le matériel du patient, il n’est pas sans désir de séduire, et il montre également qu’il est séduit par lui. Il est porteur d’une menace de castration pour son patient et se montre lui-aussi châtré en exhibant son incapacité à tout comprendre et à tout savoir. Autrement dit, même s’il a de bonnes capacités d’empathie, l’identification hystérique ne disparaît pas pour autant chez lui.
Pour conclure cette réflexion sur les difficultés du psychodrame avec les patients risquant une désorganisation somatique, je dirais qu’un psychodrame prudent mais lucide vaut certainement parfois mieux qu’un accompagnement individuel de type maternel “imprudent”, c’est-à-dire ignorant la conflictualité qu’il véhicule.