La spécificité du psychodrame psychanalytique groupal est d’articuler la pratique du “psychodrame avec psychanalystes” aux effets psychiques conscients et inconscients engendrés par la situation de “petit groupe avec psychanalystes”.
Le “petit groupe avec psychanalystes” résulte de la mise en place par deux psychanalystes, qui l’ont désiré, du rassemblement d’un petit nombre de participants désireux de découvrir par eux-mêmes et par l’expérience qu’ils en feront, ce qu’il en est des phénomènes psychiques originaux que cette situation engendre.
L’objectif partagé est l’élaboration des phénomènes psychiques qui surgissent au cours de séances réunissant participants et analystes. Dans une situation inédite, où les psychanalystes sont dans une position fondatrice, ces phénomènes sont à saisir comme effets de transfert : un cadre affirmé (contenant et soutenu), des règles de fonctionnement précises, des échanges multiples entre les participants sont la source d’événements psychiques originaux, individuels et groupaux, qui s’offrent à l’élaboration…, telles sont les particularités du “petit groupe avec psychanalystes”.
Dans la psyché de chacun en séance, se développent les relations à l’autre, aux autres, au petit groupe individualisé comme objet, aux psychanalystes : elles sont à élaborer à chaque instant de l’évolution du groupe. Or la situation du “petit groupe avec psychanalystes” a, par elle-même, des effets de régression psychique sur les individus. Dans les échanges, des parts anciennes de la psyché sont réactivées, ainsi que des mécanismes psychiques précoces dans lesquels la distinction du moi et de l’autre n’est pas encore assurée. La dimension préconsciente/inconsciente de ces phénomènes rend l’élaboration des échanges aléatoire, parfois difficile, parfois impossible. Alors le recours au psychodrame psychanalytique de groupe est souvent opportun.
Le premier moment du psychodrame est la recherche d’un thème de jeu. Le travail psychique effectué dans la recherche de ce thème constitue un pas vers l’élaboration des problèmes sous-jacents rencontrés en séance : le thème retenu est alors le résultat d’un accord commun sur une représentation déplacée de la problématique groupale en jeu.
Au projet d’une scène à jouer, fait suite la distribution des rôles : chacun peut choisir à son gré, aucun ne peut être contraint. Le fait de ne pas jouer conduit à participer silencieusement au jeu et à pouvoir ensuite faire état de ce que l’on a éprouvé, ressenti et perçu, lors des échanges entre tous qui font suite à la scène jouée.
On joue “comme ça vient”, dans le “faire semblant” et dans l’action retenue, comme des enfants qui joueraient “pour de rire”, au cours d’une séquence où dominent la dimension de l’imaginaire et la “présence active du corps”.
Après le jeu, “on” -tout le groupe- en parle et, ce faisant, on élabore ce qui s’est passé dans un espace autre que celui des séances de “petit groupe” et selon d’autres règles. Se dessine alors ce que l’attention portée à l’autre dans le jeu permet de percevoir plus nettement que dans les séances de petit groupe sans jeu psychodramatique ; puis se repère ce que chacun (chaque-un) -au-delà de sa parole- révèle avec son corps : les attitudes, les gestes, la mimique, le timbre et les nuances de la voix. Dans le jeu des personnages en scène, chacun peut, pour sa part, redécouvrir que le “Je” est un autre dans le thème annoncé, un autre dans la psyché du participant qui joue, un autre dans la psyché du participant spectateur-auditeur de la scène jouée, un autre aussi dans les représentations que les échanges, après le jeu, font apparaître, un autre enfin dans ce qu’il en est de la problématique psychanalytique groupale sous-jacente.
Car la scène n’est pas sans liens avec la problématique groupale, elle en est issue et pourra l’éclairer et être dénouée au cours des échanges que le jeu aura entraînés.
Ainsi, la “pluralité des personnes psychiques” que la situation mobilise silencieusement en chacun peut-elle, à travers le petit groupe et le psychodrame avec analystes qu’elle fait naître, apparaître dans sa dynamique et son relief. Tout un chacun peut lui-même envisager, non sans ambivalence parfois, de faire l’expérience d’une découverte de son fonctionnement en groupe, et des parts “archaïques” en lui qui y sont possiblement mobilisées. Il peut être particulièrement indiqué que des sujets chez qui dominent ces fonctionnements (borderline, narcissiques, pré-psychotiques) en fassent longuement une expérience dont ils puissent attendre un dépassement.
Les soignants et les analystes sont, dans leur travail, mobilisés aux niveaux précoces de leur structure. La pratique du psychodrame psychanalytique de groupe peut être un mode adapté de formation complémentaire à leurs pratiques.