Clinique de l’extrême, du fragile, de l’instable, la médecine intensive-réanimation est une spécialité impliquée dans le diagnostic et la prise en charge de toutes les défaillances viscérales ou multiviscérales vitales. C’est sur cette frontière que le patient et sa famille se tiennent, tout comme l’équipe soignante. Univers de la médecine de pointe, la réanimation est le lieu d’une toute-puissance médicale qui s’incline devant l’inéluctable, laissant les équipes pantelantes, avec un douloureux sentiment d’échec : « Elle est morte dans nos bras » (une infirmière) ; « Elle avait 24 ans, ça m’a retournée » (une médecin) ; « J’ai mis quinze jours à me remettre de la mort de ce patient » (un médecin).
Il arrive que patients, proches et soignants passent du combat au repli, obligés de renoncer pour ne plus s’acharner. Le renoncement a une connotation négative, celle de la contrainte. Il consiste à se détourner et à dire non à ce que l’on croyait ou désirait dans un premier temps. Comme un après-coup du désir. En renonçant, je vais contre ma volonté, je me désengage et me désinvestis malgré moi de ce vers quoi je tendais. Le renoncement dit le désir contrarié, celui qui s’impose de l’extérieur. Il implique le détachement, l’abandon d’une cause. Celui ou celle qui renonce, quitte, lâche, laisse tomber, perd, démissionne. Renoncer, c’est infliger une torsion à son désir, souffrir et supporter la perte et la reconnaissance de son impuissance. Le Moi ne renonce pas facilement, c’est là son moindre défaut. Il persévère, résiste et, las, renonce avant de consentir parfois pour qu’émergent de nouvelles potentialités, de nouveaux champs du désir.
Le renoncement, un désinvestissement
Il arrive qu’en chemin les soignants soient contraints de renoncer parce qu’il n’y a plus d’horizon thérapeutique.…
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