Stupeur, révolte et chagrin, émotion commune : sans les effacer, essayer de comprendre. Ni des fous (ce serait insulter ceux auxquels leurs psychoses font violence), ni des animaux (ils « n’auraient jamais fait ça») : c’est la radicalisation religieuse mêlée au culte du surhomme et à l’effet Columbine qui de ces hommes a fait des tueurs de masse, en masse. Nous aurions pu les croiser, adolescents en dérive, dans nos institutions, peut-être cru traiter leur haine à laquelle la rencontre avec le djihad mondialisé, « pratiquement la seule idéologie globale disponible sur le marché aujourd’hui » (Olivier Roy), a fourni des cibles. Les causes de ces massacres sont sociales, historiques, politiques et psychiques : y réfléchir ensemble est indispensable, pour essayer d’agir, là où nous sommes. Parmi d’autres outils, la psychanalyse aide à penser les concordances et les discordances entre individu et communauté, la soumission aux idéaux de toute-puissance comme à la toute-puissace mortifère du surmoi, bref la sauvagerie d’un inconscient barbare en chacun de nous : seul le travail de culture, individuel et collectif, a quelque chance de la limiter, l’endiguer, la dériver – « le sommeil de la raison engendre des monstres », écrivait Goya, un sacré dessinateur lui aussi.