Propos recueillis par Mickaël Benyamin
Carnet Psy : Pouvez-vous développer votre conception de l’emprise que vous reliez au moi et à la relation d’objet ?
Alain Ferrant : La question de l’emprise m’intéresse depuis de nombreuses années. Je lui ai consacré ma thèse de doctorat qui a donné lieu plus tard à la publication d’un livre chez Dunod, mais d’une forme trop académique. Les intuitions essentielles étaient toutefois présentes et, par la suite, je me suis consacré à les développer au sein de plusieurs champs qui vont de la psychopathologie, en particulier les problématiques anorexiques, jusqu’au travail de création, en passant par une réflexion sur les dispositifs de soin, psychodrame individuel et dispositif analytique sous ses différentes configurations, divan/fauteuil et face-à-face. Enseignant-chercheur et membre du Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique (CRPPC) de l’Université Lyon 2, j’ai bénéficié de l’apport des figures « historiques » de la recherche en psychologie clinique avec, entre autres, Jean Bergeret, Jean Guillaumin, René Kaës et René Roussillon.
Ma rencontre avec l’emprise s’est déroulée de deux façons. C’est d’abord le travail musical, l’apprentissage du solfège et de l’instrument et surtout ce moment éblouissant lorsque, à seize ans, je suis admis aux côtés de Marcel Dupré qui tient magistralement le poste d’organiste titulaire de l’église Saint-Sulpice à Paris. Je passe une heure, fasciné par cet homme de 81 ans qui navigue entre les cinq claviers et le pédalier du grand orgue avec une dextérité époustouflante. En terminale, au lycée, je découvre les livres de Céline et le style « émotif » qu’il met en œuvre pour captiver le lecteur. Son antisémitisme délirant m’écarte de lui pendant quelques années, mais j’y reviens précisément à cause des effets d’emprise de son style. Plus tard, je…