Je commencerais par un exposé clinique de l’engrènement, ceci afin de comprendre une pathologie fréquente dans les couples, les familles et les groupes, qui n’est pas sans poser une énigme pour le clinicien. Cette clinique prend ses racines dans le traumatique et nous met en présence d’agirs relationnels au caractère contraignant, impliquant une emprise réciproque dont, en tant que clinicien, il est difficile de démêler les interactions tant elles peuvent contenir de violences cachées. Nous allons tenter d’en comprendre les ressorts afin d’en tirer les conséquences théoriques.
Arielle et Ludovic
Ludovic et Arielle présentent la particularité d’avoir une grande différence d’âge. Ludovic a été un ami des parents d’Arielle avant de devenir son époux. Au moment où ils consultent, ils sont mariés depuis une vingtaine d’années et ont des jumelles adolescentes.
Les parents d’Arielle, obligés de quitter une ancienne colonie française où ils ont mené grand train, sont arrivés en France en grande partie ruinés : le changement de statut a été vécu comme une perte dont ils n’ont pu parvenir à se remettre. Il fallait, dans une sorte de « communauté du déni », ignorer la déchéance et surtout dissimuler la honte et le sentiment de n’être plus rien. Il leur fallait maintenir coûte que coûte un statut de privilégiés, même si la situation financière était calamiteuse. Dans cette conjoncture, Ludovic est devenu, d’une certaine façon, le soutien inconditionnel des parents d’Arielle, sa future épouse. Le contexte familial s’organise alors sur un registre antœdipien. En effet, la place des uns et des autres est un peu trouble : en tant que protecteur de la famille, Ludovic devient le parent des parents d’Arielle, l’ange gardien de la famille, et voit dans cette épouse…
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