Psychologue clinicienne, j’exerce dans un service de gériatrie en soins de suite et de réadaptation, à court et moyen séjour, située en Seine-Saint-Denis, où le corps est criant, explosif. Un corps qui expose les pertes réactualisées par le processus du vieillissement, exacerbées par une pathologie somatique, venant intensément solliciter et ébranler les capacités d’accueil du clinicien. Quelle voie possible pour le clinicien pour résister au réel et élaborer les événements traumatiques qui résonnent avec acuité ? Une rencontre ouvrira une voie inattendue, celle d’une autre écoute tout en finesse.
« Vous entendez, je veux vivre ! »
Au cœur du service de gériatrie, les gériatres, l’équipe soignante et paramédicale me sollicitent pour aller à la rencontre de patients en souffrance psychique. Une souffrance réactionnelle ou exacerbée suite à une chute (avec ou sans fracture), à une (poly)pathologie et/ou de troubles cognitifs, à la perte d’un proche (conjoint, enfant). Il s’agit de proposer un espace et un temps pour étayer les assises narcissiques fragilisées. Soutenir également la narrativité pour favoriser un travail de liaison là où la déliaison peut faire rage.
Une patiente âgée de 81 ans, venant de Guadeloupe pour soigner un diabète déséquilibré depuis de nombreuses années, vient d’apprendre par ses enfants le décès de sa sœur ainée, survenu il y a quelques jours. Lors de la première rencontre, elle est fortement ébranlée par ce décès réactivant d’anciennes pertes. La semaine suivante, je me rends dans le service pour le rendez-vous convenu avec madame. Arrivée à destination, je frappe à la porte de la chambre individuelle pour annoncer ma venue. Je la découvre allongée sur le lit médicalisé, avec un visage préoccupé. Avec son autorisation, je prends une chaise et m’assois à…