À l'occasion de la traduction française de son livre L'empire du malheur, une histoire de la dépression (Éditions Amsterdam, 2022), l'auteur revient sur les représentations culturelles et sociales associées à la dépression et à ses traitements en Occident. Propos recueillis et traduits par Kevin Hiridjee.
Carnet Psy : Pourriez-vous présenter la thèse que vous développez dans votre livre, L’Empire du malheur. Une histoire de dépression (2022) ? Pourquoi avez-vous pensé qu’un livre sur la dépression était nécessaire aujourd’hui, malgré l’immense quantité de publications sur le sujet ?
Jonathan Sadowsky : Dans mon ouvrage, je développe plusieurs arguments clés. Premièrement, l’examen historique révèle que privilégier excessivement une forme de traitement, qu’il s’agisse d’une thérapie verbale ou d’une approche somatique, mène invariablement à une impasse tant dans la recherche clinique que dans la pratique thérapeutique. Un second argument, étroitement lié au premier, concerne notre tendance à exalter et idéaliser les traitements novateurs. Ce phénomène se traduit par une désillusion lorsque les limites de ces nouvelles approches deviennent manifestes, ainsi que par une sous-estimation des méthodes plus anciennes qui conservent pourtant leur pertinence malgré leurs imperfections. Il est à noter que les principaux traitements de la dépression du siècle dernier – tels que la psychanalyse, la thérapie électroconvulsive, la médication antidépressive et la thérapie cognitivo-comportementale – ont tous été sujets à une surestimation, mais aussi à une critique excessive de la part de leurs opposants. Mon intérêt pour la rédaction de ce livre est né, en partie, du constat que peu d’ouvrages traitant de la dépression adoptent une perspective historique, perspective qui offre pourtant des enseignements précieux. Par ailleurs, je relève que certaines analyses historiques de la dépression tendent à critiquer le surdiagnostic de celle-ci ou à s’opposer aux antidépresseurs et à…