Si la marquise fait figure de pionnière en exposant ses états intérieurs, sa correspondance n’en reste pas moins emblématique de son milieu, la société précieuse du xviie siècle. Le paradigme winnicottien de l’unité individu-environnement, fondamental dans la clinique contemporaine, nous apprend que si les conditions offertes par l’environnement sont favorables, le sujet émerge du narcissisme primaire et du sentiment océanique par l’expérience de l’objet créé-trouvé dans l’espace transitionnel, par le jeu, l’humour, et la vie culturelle. Parfois cette évolution de l’indifférenciation à la différenciation se produit au prix « d’un clivage du développement » ainsi que le suppose Freud (1929). Cornélius Castoriadis (1990,), historien et psychanalyste, a bien vu ce clivage. Il formule le respect du paradoxe qui permet de le surmonter : « Nous ne pouvons pas prétendre que nous ne savons pas, que pour tout ce que nous pensons et faisons, il existe des conditions social-historiques, mais nous ne pouvons pas non plus prétendre ignorer, […] que nous visons la validité de ce que nous disons indépendamment du lieu, du moment, des motifs et des conditions » (op. cit., p. 245). Ce paradoxe nous sert de balise entre psychanalyse, littérature et histoire pour bien comprendre la folle passion de la marquise pour sa fille, Françoise, dans le contexte ou « baignait » la mère et la fille : celui de la Fronde, de la monarchie absolue, du jansénisme et de la société précieuse.
Le poids du politique
La correspondance témoigne de l’emprise de l’absolutisme monarchique sur Sévigné qui donne l’impression de se soumettre tout en restant proche des frondeurs. En voici quelques exemples.
Je n’ai trouvé qu’une critique du « système » parmi ses 1 368 lettres et pas des moindres. Elle écrit (Correspondance, 12 janvier 1680, t. 2, p. 793) : « Le Roi…