M. Onfray, le bien-pensant
Éditorial

M. Onfray, le bien-pensant

Il y eut de meilleurs mois de Mai. L’émoi de ce Mai-ci décroît avec la page qui commence à se tourner sur la polémique déclenchée par le livre de Michel Onfray, nietzschéen rudimentaire qui s’est attaqué à Freud au marteau-piqueur. Le débat intellectuel et médiatique est déjà ailleurs.

Tout aura été remarquablement dit de l’ignorance passionnée qui est au principe de l’ouvrage, de ce portrait d’un Freud, qui, pour M. Onfray, est l’incarnation du mal, d’une jouissance sans limite, et mérite donc la sévère fessée morale qu’il entend lui administrer. Le plus surprenant reste l’appui implicite du propos sur le consensus mou de la morale civilisée contemporaine, l’approbation du lecteur étant sollicitée au nom des préjugés les plus communs. Car c’est bien le discours dominant et sa face la plus sombre que M. Onfray défend en croyant l’écorner. Dès lors, l’hommage appuyé que lui rend un Bruno Gollnish – les actes peuvent-ils s’exonérer de leurs conséquences ? – ne surprend pas, après le déchaînement enthousiaste des sites antisémites. Pauvre Nietzsche – encore ! – qui exigeait « du philosophe : (…) de placer au-dessous de lui l’illusion du jugement moral ». Mais « la bêtise des bons est insondable » !

En effet, M. Onfray entend juger de tout, y compris de notre pratique, méprisant tous ceux dont elle a changé la vie, méconnaissant ce qu’a d’irremplaçable la méthode inventée par Freud, sa portée jusque dans la subversion du regard porté sur la maladie mentale et la révolution des soins psychiatriques au siècle passé, tout ce que la
politique de santé mentale actuelle ne cesse de vouloir réduire.

M. Onfray a sans doute voulu bien penser, mais au regard des enjeux contemporains, il se révèle surtout bien-pensant. Quant à nous, gardons le mal pensé, le maudit, ce qui se balbutie, ce qui cherche mais n’arrive pas à se dire. Doit-on désespérer que la psychanalyse fasse encore et toujours scandale, qu’elle demeure une pierre d’achoppement, un symptôme donc dans notre culture ?