Marie arrive dans le service, précédée par la violence du motif de son hospitalisation : elle s’était rendue sur un pont avec l’intention de sauter. Il s’agissait d’un projet prémédité et daté finalement déjoué par des passants qui l’arrêtent et appellent les pompiers. Elle arrive drapée de cet impensable : le désir de mourir à 12 ans 1/2. Très jeune fille dans un corps de grande, Marie n’en demeure pas moins une petite fille, dans sa présentation et ses manières appliquées de bonne élève. Elle arrive telle une petite fille sage à l’Unité de Crise et en repart, 6 mois plus tard, en ayant adopté les codes d’une adolescence un peu caricaturale (cheveux colorés, maquillage outrancier, vêtements noirs et excentriques). Il est apparu a posteriori qu’elle avait dû traverser là quelque chose du féminin, en repartant jeune fille, amoureuse.
À corps perdu
Ce passage de l’enfance à l’adolescence s’est fait pour Marie dans la douleur, les cris, la colère, les larmes, l’agitation physique et par des moments de grande régression. Elle reste, durant presque tout son séjour, en crise dans l’unité éponyme, « en crise à la crise » ! Marie qui avait imaginé sauter d’un pont n’a de cesse de précipiter son corps contre les contenants matériels et psychiques de l’hospitalisation. Du haut de son fantasme de mort, elle atterrit dans la réalité de sa transformation. En repoussant chaque jour, à corps perdu, ces limites bordantes que nous tentons d’ériger, elle nous entraine, à notre corps défendant, là où nous ne voulions pas aller : les restrictions du cadre, les contentions manuelles et mécaniques, la chambre fermée. Personne n’avait imaginé, au regard d’une 1ère semaine plutôt tranquille et dans un lien de qualité avec elle, l’explosion symptomatique…