Œuvre d'une génération « opposée à laconquête de nouveaux droits, pessimiste culturellement, anthropologiquement décliniste » (p.8), le psychanalysme produit dans les années 1980 une littérature s’opposant à toute égalité politique concrète. Florent Gabarron-Garcia réinterroge tout au long de cette autre histoire possible le récit officiel de notre discipline, revenant à de grandes figures qui en ont été écartées au nom de la fable d’une psychanalyse neutre.
Un vent révolutionnaire à l’Est
Il rappelle dans une première partie que le pessimisme freudien n’apparait que tardivement dans les écrits du père de la psychanalyse. En effet, en 1918, lors d’un congrès à Budapest et dans une époque révolutionnaire, Freud avait pris position pour que les classes les plus populaires aient accès à la psychanalyse. Il défend l’idée que la société n’est pas moins menacée par les névroses que par la tuberculose et que les soins ouverts à tous devront être gratuits. Ce vœu se traduit d’ailleurs par l’ouverture d’une douzaine de policliniques à Budapest, Berlin, Moscou, Vienne, Zagreb, Londres, Trieste, Rome, Francfort ou encore Paris, dans l’attente que les États reconnaissent l’urgence de leurs obligations. Revenant sur l’évolution de la pensée freudienne, l’auteur souligne les ambiguïtés dont il fait preuve. Pour exemple, dans l’Avenir d’une illusion, Freud suggère que l’échec de l’intériorisation des interdits chez les opprimés a pour cause l’oppression d’une minorité. Dans le même ouvrage, il envisage les progrès possibles pour que l’homme se réconcilie avec ses institutions afin de ne pas tenir la violence de ces dernières comme un mal nécessaire. De même, Freud interroge de façon critique la causalité sociopolitique dans la vie sexuelle : « que vise-t-on, demandait-il, lorsque l’on veut cacher aux enfants — disons aux adolescents — de telles explications sur la vie sexuelle des êtres…
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