D'Emmanuel Venet à Marion Leboyer, en passant par Mathieu Bellahsen, le manifeste proposant de réinventer le futur de la psychiatrie est un genre littéraire presque aussi fourni, mais probablement moins suivi d’effets dans la réalité, que le roman sadomasochiste soft. Se nourrir de productions proches de nos sensibilités agissant comme un baume, autant que d’autres, proches du pouvoir en place, qui permettent d’envisager à quelles sauces nous allons être accommodés, semble alors un acte de bon sens. Quelques indices disséminés dans le livre, comme les situations institutionnelles des auteurs, les éléments de langages (la « décivilisation »), les tropismes idéologiques, nous donnent à penser qu’il appartient plutôt à la seconde catégorie. C’est même là son intérêt premier : être l’équivalent d’une bandelette PH permettant de prendre la mesure d’une forme de pensée politique et économique nourrissant les transformations en cours.
Un certain évitement
« Il est temps de faire de la psychiatrie unevraie priorité, mais aussi de la refonder et de la renouveler », dit le résumé. La présence au générique d’un conseiller ministériel (F. Bellivier), de la rédactrice de multiples rapports dont celui de la Cour des comptes intitulé « Les parcours dans l'organisation des soins de psychiatrie » (V. Kovess-Masfety), du président de la Commission Nationale de Psychiatrie (M. Lejoyeux), nous laisse à penser que ces gens ont des informations de première main sur les tentatives de refondation.
Mais qu’en font-ils ? Un livre tout à fait agréable à lire, pour commencer. Mais plutôt qu’un mouvement d’ensemble, il prend la forme d’une superposition de solistes reprenant leurs thèmes favoris. Les propositions sont éparses, les articles inégaux en taille, en intérêt et en profondeur. Difficile de penser que les considérations sur l’apnée du sommeil ou l’expertise…