Plaidoyer pour une complexité partageable
Éditorial

Plaidoyer pour une complexité partageable

Entre le rapport INSERM sur les troubles des conduites des enfants et des adolescents et le Livre noir de la psychanalyse, les « psy » pourraient se sentir mis en position délicate par les contenus qu’ils ont largement répandus dans notre société. Mais le niveau des arguments et la misère de la stratégie utilisés deviennent presque une indication de la faiblesse des attaquants. Tout se passe comme si ces âmes nobles, éprises de scientificité, continuaient de penser le monde en deux ou trois dimensions, sans avoir pris la juste mesure de sa complexité. Aussi bien les auteurs besogneux des rapports de l’Inserm, généralisateurs, que ceux, plus thanatophores, du Livre noir, couleur mélancolique s’il en est, se font les chantres d’une nouvelle morale érigée sur l’Evidence Based Medicine, en oubliant trop facilement que la dite médecine, dont la psychiatrie est une branche, tente d’allier tant bien que mal les apports de la science et de ses découvertes, avec la relation humaine et ses contraintes, dans laquelle elle continue pour l’instant de se déployer.

Jusques à quand faudra-t-il plaider en faveur de la complexité pour en arriver à ce que les différents tenants de telle ou telle position praxique puissent accepter de s’asseoir autour de la table des savoirs partagés en y posant d’abord leurs armes conceptuelles avant de céder à la tentation de la haine qui, si elle est éventuellement cathartique pour ceux qui s’y complaisent, se fait toujours au prix de la vie psychique de celui qui est haï ? Je ne vois, pour sortir de ces méchants scénarios, que la solution de « penser » d’abord les articulations des différents « continents » qui sont actuellement encore relativement autonomes, les neurosciences, les psychothérapies, les psychologies, l’anthropologie, pour en arriver ensuite à une conception supra-continentale qui transcende quelque peu nos tendances totalisantes.