Introduction
Nous¹ nous proposons d’étudier un type particulier de harcèlement, lorsque celui-ci a été précédé d’une relation d’amitié intense, nous amenant à questionner ce passage de la vive attraction à l’amère détestation. Si notre identité professionnelle en tant que psychologue s’est d’abord constituée auprès de victimes de violences familiales, bénéficiant de prises en charge éducatives, nous recevons dans notre pratique actuelle en libéral des jeunes gens, à peine sortis de l’adolescence, exprimant une souffrance dans le lien amoureux. C’est le suivi thérapeutique de Tara, 18 ans, qui nous amène à prêter attention aux composants d’une relation d’amitié ambiguë – proche d’un agir extraconjugal – puis violente dans laquelle le tiers joue un grand rôle. Le harcèlement par l’ancien ami nous paraît éclairer la vie amoureuse et notamment la réactivation d’un noyau œdipien conflictuel. Ce détour par une situation clinique confirme la complexité des liens intersubjectifs dans le harcèlement, soit une dynamique spécifique entre harceleur et harcelé (Catheline, 2015 ; Gallet & Karray, 2018 ; Chagnon, 2023).
Avoir été ancien ami est repéré dans certaines études (Olweus, 1999 ; Catheline, 2008 ; Roques, Confort, Mazoyer, 2015) comme majorant l’ascendant du harceleur sur la victime. Selon nous, cette approche descriptive ne prendrait pas suffisamment en considération les composants de l’illusion (amoureuse, affective) et de la déception conduisant à la rage d’avoir été « jeté/rejeté ». Il est donc question pour nous d’éclairer autrement par la vie amoureuse ce processus relationnel violent.
Tara et Henri. Une amitié « prodigieuse »
Tara me consulte en raison d’une forte colère qu’elle éprouve envers elle-même et qui ne passe pas. Afin de suivre ses études, elle a quitté son univers familial et relationnel, sa région et…
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