La pensée du rêve
Dans l’exercice quotidien de leur pratique, on peut affirmer que, lorsqu’ils soignent des jeunes enfants, les psychanalystes sont des gens heureux : tandis que le langage de ces enfants est encore suffisamment proche de leurs processus primaires pour contenir des pépites de poésie et de créativité, leurs jeux mettent en scène des situations qu’un récit secondarisé n’aurait pas pu rendre de façon aussi polysémique ; quant à leurs dessins, ils ont l’art de contenir tout à la fois le déroulé de leur pensée consciente et la condensation de ses substrats inconscients.
Autant dire qu’avec le jeune enfant, le psychanalyste navigue avec bonheur dans différentes formes de la pensée du rêve, qui fut l’un des objets d’étude majeurs de Freud¹, et dont Bion a élargi le rôle et l’importance dans le fonctionnement psychique en désignant le « travail du rêve » comme « travail alpha (α) du rêve », et en désignant ensuite cette fonction psychique sous le terme de « fonction α », c’est-à-dire la fonction de « penser les pensées ».
Et comme Bion n’oublie jamais de réfléchir sur l’origine des fonctions qu’il propose, il a parachevé sa saisie personnelle de la question du rêve en faisant de la « capacité de rêverie maternelle » le prototype de la « capacité de penser les pensées ».
Enfin, tout psychanalyste expérimente chaque jour, avec chaque patient, ce que signifie sa propre « capacité de rêverie » dans son écoute analytique, dont Bion précise qu’elle doit être « sans mémoire ni désir ».
Travail du rêve, travail du corps…
Depuis sa parution à l’aube du XXe siècle, notre pratique psychanalytique se nourrit quotidiennement de ce livre fondateur…