Ma découverte des écrits théoriques et des sémi-naires cliniques de Wilfred R. Bion se situe après un déjà long parcours professionnel de psychologue clinicienne, appuyée sur la psychanalyse, dans un service de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), puis, avec la rencontre de l’Association pour le maintien du lien psychique en soins intensifs¹ (AML), à la suite d’un stage dans une unité hospitalière de réanimation en région parisienne. Les travaux de Bion m’ont alors permis de jeter des ponts entre un fonctionnement intuitif et une pensée.
Mon travail auprès de l’infans, notre réflexion autour de la « clinique des bébés » – comme nous l’avions appelée avec Etty Buzyn –, ma participation au séminaire d’Amaro De Villanova², tout cela m’avait ouverte à l’écoute de ce que Bion nomme « les parties non nées de la personnalité³ », l’« état d’esprit inaccessible⁴ ». J’avais bien l’intuition d’un inconscient non refoulé⁵ et travaillais avec.
D’une Assistance publique à l’autre, selon l’appellation commune à ces deux champs cliniques à un moment de leur histoire, l’urgence d’un soin psychique apparaissait. Les séparations et les abandons sont bien souvent vécus par les enfants et les jeunes confiés à l’ASE comme une disparition, une perte totale. Cette représentation-là m’a amenée à constater la nécessité d’accompagner le plus tôt possible ces moments de bifurcation afin de contenir la violence d’un « changement catastrophique⁶ ». Je me lançai alors dans un travail de maintien du lien psychique⁷ auprès de ces enfants, afin de soutenir la continuité de leur sentiment d’exister.
Cependant, la violence des mots, des gestes, des actes, me submergeait parfois, me laissant sans parole et sans pensée. Découvrant l’AML, institution fondée par des psychanalystes, à l’occasion de sa première journée d’étude – « Vivre en…