Sensibiliser les adolescents aux bébés (qu’ils furent et qu’ils auront)
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Sensibiliser les adolescents aux bébés (qu’ils furent et qu’ils auront)

« Je me souviens qu’il y a des temps heureux où la mer Méditerranée se traverse de part en part, et d’autres, plus sombres, où elle se transforme en tombeau.
Et alors, à se tenir face à la mer, on ne voit plus la même chose.
Tenter, braver, persister : nous en sommes là.
Il y a certainement quelque chose à tenter.
Comment se résoudre à un devenir sans surprise, à une histoire où plus rien ne peut survenir à l’horizon, sinon la menace de la continuation ?
Ce qui surviendra, nul ne le sait. Mais chacun comprend qu’il faudra, pour le percevoir et l’accueillir, être calme, divers et exagérément libre ».

 

Patrick Boucheron, « Ce que peut l’histoire », Leçon inaugurale prononcée au Collège de France, le 17 décembre 2015

 

Argument

Parler des bébés aux adolescents semble utile non seulement pour les préparer au mieux à leur propre parentalité future éventuelle, mais aussi pour les rendre attentifs à l’importance de la vie psychique préverbale.

Ceci ouvre donc à la fois sur une aide à l’accès à la parentalité, mais aussi – et peut-être surtout – à un respect de la vie psychique sous toutes ses formes.

Il y a donc, là, une possible voie de travail dans la perspective d’une prévention de la violence qui devient aujourd’hui, on ne le sait que trop, un authentique problème de santé publique (individuel et collectif).

Ière partie : Un constat né de l’observation : des ados fascinés par les bébés

Les ados, dans leur grande majorité, sont littéralement subjugués, fascinés, « scotchés » lorsqu’ils rencontrent des bébés.

Les observations de Bernard Golse

Dans notre unité de jour, à l’hôpital Necker-Enfants Malades, nous accueillons de très jeunes enfants en vue d’une observation transdisciplinaire.

Il nous arrive parfois, certes pas très souvent, d’accueillir dans cette unité des préadolescents ou des adolescents en difficulté, à la condition bien entendu qu’ils ne soient ni trop agités ni trop violents. Ceci étant, aussi perturbés soient-ils (dépressifs, suicidaires ou simplement dysharmoniques), il est frappant de voir à quel point les très jeunes enfants qui les entourent alors, les passionnent véritablement. Les adolescents les regardent et les observent avec une attention soutenue, comme si cette confrontation à des bébés du dehors leur permettaient de retravailler quelque chose du bébé du dedans, c’est-à-dire, du bébé qu’ils ont été et qui a laissé des traces profondément enfouies en eux, ainsi que du bébé qu’ils imaginent, à tort ou à raison, avoir été.

Les observations de Marie Biot

A la lecture des travaux menés par Bernard Golse et des colloques BBADOS organisés par la revue Le Carnet Psy, l’idée de mener un projet réunissant des bébés et des ados m’est apparue comme une évidence tant les protagonistes semblaient être faits pour se rencontrer.

Dans le cadre des cours d’EMC (Éducation Morale et Civique), j’ai donc proposé à des élèves de seconde générale à l’occasion des fêtes de fin d’année de créer un spectacle de Noël pour des enfants fréquentant un centre d’éveil situé à proximité du lycée où j’enseigne.

Dans ce cadre, j’ai pu observer à quel point les ados pouvaient être sous le charme des tout-petits (0 à 4 ans), ces derniers se montrant également très réceptifs à ces représentations en multipliant les commentaires, les rires, et les applaudissements… Des moments de rencontre après les spectacles se sont avérés chaque année riches en échanges d’une grande intensité entre les bébés et les lycéens autour d’un goûter mais surtout de marionnettes, d’instruments de musique…

Concernant les adolescentes, les photographies prises lors de ces rencontres donnent à voir des échanges visuels très intenses et émouvants avec les bébés tenus dans leurs bras. Les vidéos tournées montrent également les jeunes quittant de temps à autre du regard tous ces petits pour devenir songeurs ou rêveurs. Quel sens donner à ces rêveries ? Pensent-ils alors à leur enfance et/ou à une future parentalité ? Leurs rêveries participent-elles à l’élaboration du bébé « imaginaire, fantasmatique, mythique et narcissique » décrit par Michel Soulé (1983) et Serge Lebovici (1992) ?

Sans vouloir simplifier les choses à l’excès, quelques grandes tendances ont pu être observées concernant l’attitude des ados vis-à-vis des bébés (même si ces positions ont pu varier au cours des projets : ravissement, enthousiasme, observation, retrait…), et pour essayer d’en saisir les enjeux, le terme d’écart proposé par François Jullien (2012) semble particulièrement approprié et susceptible d’ouvrir des pistes de réflexion : « Ainsi l’écart est-il une figure, non pas de rangement mais de dérangement faisant paraître non pas une identité mais ce que je nommerai une fécondité. Faire un écart c’est faire sortir de la norme, procéder de façon incongrue, opérer quelques déplacements vis-à-vis de l’attendu et du convenu bref briser le cadre imparti et se risquer ailleurs parce que craignant ici de s’enliser ».

Il serait cependant réducteur de classifier les interactions, de les analyser en fonction du sexe des protagonistes, ou de penser que certaines sont plus réussies que d’autres, même si cela pourrait paraître tentant. Ce serait oublier la complexité du fonctionnement psychique, faire fi de la bisexualité psychique et négliger le fait que chaque type d’interactions invite à penser l’expression d’une singularité, mise en scène dans l’ici et maintenant, et compréhensible au regard de la théorie de l’après-coup dans un ailleurs à venir, pour chaque sujet. Des écarts ont pu être observés également du côté des petits dans leur élan vers l’autre, en fonction de leur âge, de l’attitude parentale ou des adultes, et de celle des ados.

1er cas : La phase d’observation réciproque ados/bébés est courte. Les ados sont rapidement dans l’interaction avec les petits : un élan les porte les uns vers les autres. La rencontre se concrétise par des jeux, des phases de câlinage, de berçage… Les interactions sont peu interrompues. Certains adolescents sont très à l’aise avec les bébés : ils assument sans problème cet élan alors que d’autres considèrent que s’occuper des petits serait plutôt un « truc de fille ».

2ème cas : La phase d’observation réciproque ados/bébés est plus longue. Elle aboutit à des interactions plus ponctuelles alternant avec des phases d’observation, de retrouvailles entre pairs. Ceci est plutôt le fait des garçons. Ces derniers observent alors avec attention à la fois les petits présents mais aussi l’attitude de leurs amies. Bien que plus distants, ils montrent cependant un réel intérêt pour les petits. Les jeunes hommes se tiennent alors dans un premier temps physiquement à distance derrière les petits canapés, ce qui traduit aussi un écart psychique vis-à-vis des filles. Les adolescentes s’occupent alors seules des bébés, puis progressivement les garçons vont s’approcher et oser la rencontre en groupe.

On retrouve là l’importance du groupe des pairs à l’adolescence. Les garçons risquent des approches plutôt lorsqu’ils sont en groupe, craignant peut-être de renvoyer l’image de jeunes hommes trop maternels, voire efféminés. Il n’est pas simple de reconnaître et d’assurer sa part de féminité à l’adolescence… Lorsqu’ils interviennent, cela répond à une invitation des filles, car celles-ci sont à la fois dans l’interaction avec les petits et dans une tentative de captation de l’attention des garçons. Elles donnent à voir leur capacité à être maternantes.

Mais n’oublions pas le rôle des petits : leur pouvoir charmeur et très réactif contribue à déclencher et entretenir les interactions. Les bébés restent dans les bras des filles et ne cherchent pas à aller dans ceux des garçons (par exemple, ils ne tendent pas les bras vers les ados et l’inverse est également vrai). Les adolescent(e)s donnent sans doute à voir la place attribuée par leur mère à leur propre père, réellement ou fantasmatiquement : revient alors l’éternelle question de la place des transmissions inter et transgénérationnelles.

3ème cas : Les ados sont seulement dans l’observation des petits. Ils restent à distance, plutôt pensifs.

4ème cas : Les ados se tiennent vraiment à l’écart. Ils ont un visage fermé, triste. Le corps est en position de repli.

Les observations de Bernard Golse

Indépendamment des raisons que nous reverrons dans la Vème partie de ce dossier et qui permettent de comprendre les affinités qui existent entre certains aspects du fonctionnement psychique des adolescents et des bébés, il est possible aussi de prendre en compte la notion de loyauté intra-culturelle. La culture de l’enfance est une culture en soi, comme l’a si bien dit Alexandre Jardin, dans son livre intitulé Les coloriés (2004) : « L’enfance et l’âge adulte apparaissent dans ces pages comme des cultures distinctes (…) L’enfance n’est pas une saison, mais bien une culture à part entière ».

De ce fait, les enfants et les adolescents se parlent plus facilement entre eux qu’ils ne parlent aux adultes avec lesquels ils ont, parfois, le sentiment de trahir quelque chose de leur identité groupale d’enfants ou d’adolescents. Entre bébés et adolescents, ce problème de trahison est peut-être moins sensible car les échanges passent plus par la communication préverbale que par le langage verbal proprement dit.

IIème Partie : Le bébé : source de questionnements inépuisables chez l’adolescent

Aujourd’hui, l’indicateur conjoncturel de natalité est généralement inférieur à 2 dans les pays de l’Union Européenne. Si effectivement, nombre de jeunes ont beaucoup moins l’occasion que lors des siècles passés de côtoyer des bébés, d’autres ont cependant encore l’occasion de voir leur mère (ou belle-mère) materner ou garder des enfants. Dans tous les cas, les ados sont amenés à se questionner sur la façon dont ils envisagent l’éducation de leurs propres enfants. Or, s’ils ont reçu une éducation maltraitante (physiquement ou psychiquement) et/ou s’ils ont pu observer leurs parents être violents avec le reste de leur fratrie, la question peut devenir angoissante et le désir de ne pas répéter l’histoire familiale mener à un certain nombre d’interrogations voire d’impasses, si ce n’est à un renoncement à la parentalité. Certains jeunes à la recherche de réponses sont amateurs d’émissions comme Super Nanny, promptes à donner le mode d’emploi de l’éducation. Si l’approche qui s’y trouve proposée fait fi de la complexité des relations intrafamiliales et des transmissions intergénérationnelles tout en exposant des familles en grande souffrance au regard de millions de téléspectateurs, elle aurait toutefois le mérite, selon certains professionnels de la petite enfance, de faire reculer les maltraitances physiques en donnant des recettes pour imposer des cadres sans recourir à la violence : quel que soit l’avis de chacun et ses arguments, le succès remporté par de telles émissions de nos jours mérite d’être entendu et questionné…

Partir des interrogations des adolescents s’avère donc primordial afin de respecter leur cheminement et leurs attentes. Un certain nombre d’entre elles décline à l’envi tout ce qui touche au secret des origines. Il s’agit là de revisiter les « mythes magico-sexuels » (S. de Mijolla-Mellor, 2002) de l’enfance afin de trouver des clés de compréhension plus adaptées à leur vécu et à la réalité pubertaire. Le temps de la grossesse les intrigue et les questionne, notamment le désir qui se joue à l’origine de la vie, de leur vie.

Difficile pour eux de comprendre le déni de grossesse, les néonaticides et infanticides : cela suscite des réactions d’incompréhension souvent très virulentes. Les réponses doivent être apportées avec tact sachant que l’avortement peut déjà être au cœur du vécu et des préoccupations de certains adolescents. Ce questionnement inépuisable sur les secrets touchant l’origine de la vie est à mettre en lien avec toutes leurs interrogations concernant l’adoption. Beaucoup d’adolescents s’imaginent, dans leur roman familial, avoir été adoptés. Parfois, cela s’avère le fruit de la nécessité d’une réécriture de soi, parfois cela peut se révéler comme la juste intuition d’une réalité cachée.

Prenant progressivement conscience de leur capacité à donner la vie mais également à la retirer en cas d’interruption volontaire de grossesse, les ados s’interrogent également sur le « meilleur âge pour devenir parent », et sur la place et le rôle à attribuer au père et à la mère dans l’éducation des enfants (notamment en cas de séparation ou de crise dans le couple parental, d’homoparentalité, d’adoption…). La distance mère-enfant les questionne également car souhaiter éviter les rapports trop fusionnels n’est pas neutre à la période pubertaire. Ces réflexions sur la distance, la place de chacun rebondissent sur des interrogations portant sur la part du Soi, de l’éducation et finalement de l’autre dans le caractère de l’enfant. Se différencier de ceux qui font habituellement repère (re-père ?) est une étape nécessaire à cet âge afin de mieux se définir. Cela passe par un questionnement concernant l’éducation reçue et les « modèles » proposés via les réseaux sociaux notamment. Les problématiques liées aux transmissions transgénérationnelles et intergénérationnelles passionnent également les ados, qu’elles s’attachent au travail du rêve, aux traumatismes, aux phobies, aux violences (guerres, attentats)…

Les bébés provoquent certes des questionnements mais aussi parfois des vocations.

Parler des bébés aux ados constitue une occasion pour réfléchir ensemble aux souhaits de certains de vouloir travailler avec des tout-petits. L’inflation des vœux d’orientation constatée en première année de lycée visant à exercer dans les métiers de la petite enfance invite à la réflexion et peut éventuellement nous surprendre. Après le visionnage du « Thalasso/ bain/bébé » pratiqué par Sonia Rochel, une adolescente enthousiaste émet ainsi le désir de « faire ça », or ce « ça » ne correspondait pas à l’exercice du métier filmé mais à un désir d’être à la place du bébé…

Cet engouement pour les métiers de la petite enfance semble spécifique à certains âges et touche notamment d’anciennes prématurées qui laissent entendre dans nos échanges à quel point leurs expériences singulières concernant leurs premiers moments de vie ont impacté le récit de leurs origines. Elles s’extasient en découvrant le parcours de Catherine Vanier (2013), psychologue-psychanalyste qui n’hésite pas à se pencher sur les berceaux de ces « bébés funambules » accueillis au service de néonatalogie de l’Hôpital Delafontaine de Saint-Denis.

Notons d’ailleurs que les bébés prématurés qu’ont été certains ados restent très présents dans le discours des mères lors des rencontres parents/professeurs alors même que ces jeunes gens ont depuis bien longtemps rattrapé tout retard de développement.

IIIème Partie : Comment expliquer cette fascination des ados pour les bébés ?

Une période de grande réceptivité

Il n’y a plus qu’un adolescent sur deux environ qui, dans nos sociétés, a l’occasion de voir ses parents prendre soin d’un bébé puîné dans la mesure où le taux de fécondation est d’environ 2,1 à 2,2 enfants par couple, en France. Ceci a des conséquences quant à la parentalité future des adolescents qui sont, de ce fait, très peu préparés à l’inévitable ambivalence des adultes envers les enfants, des adultes en général et donc des adultes qu’ils seront.

Par ailleurs, il se trouve que du fait des analogies qui existent entre certains aspects du fonctionnement psychique des bébés et des adolescents, ces derniers sont particulièrement sensibles aux tout-petits qu’ils observent parfois avec une attention extrême. Ce faisant, probablement, ils retravaillent, remanient et transforment leurs propres souvenirs d’enfance plus ou moins enfouis, et ceci peut sans doute les aider à mieux accueillir les enfants qu’ils auront peut-être un jour eux-mêmes. Il y a donc un fil rouge qui va du bébé qu’ils ont été (qu’ils pensent avoir été, qu’ils aimeraient avoir été ou qu’ils craignent d’avoir été) jusqu’au bébé qu’ils auront peut-être ultérieurement (A. Braconnier et B. Golse, 2008).

Les observations de Marie Biot

Ce travail de remaniement a pu être constaté chez des ados chargés de l’élaboration de spectacles de Noël à destination de tout-petits fréquentant un centre d’éveil. Si certains jeunes ont repris les comptines de leur enfance mot pour mot, ils ont néanmoins exprimé cette réécriture de leurs souvenirs par leur choix de mise en scène du Soi : à n’en pas douter leur corps est devenu alors messager d’une nouvelle narrativité, « corps messager » (R. Roussillon, 2008) et thérapeute. En endossant le costume de Compère Guilleri, un ado à l’enfance bien meurtrie s’est ainsi juré de ne pas « se laisser mourir » grâce aux soins de jolies infirmières incarnées par deux de ses camarades.

D’autres ados ont choisi de revisiter contes et comptines de leur enfance en proposant une nouvelle version de ces récits, reflet des préoccupations spécifiques à leur âge. Le « loup », personnage emblématique des terreurs enfantines a parfois fait les frais de cette réécriture. Un jeune homme et sa camarade ont ainsi tenu à repenser ce personnage clé de leur enfance : l’animal est alors devenu pour l’occasion un « gentil loup », baby-sitter des enfants d’un couple princier. Il a en effet été mis en demeure d’accepter le contrat suivant : pour être accueilli à la cour, il devait se résoudre à adopter un régime alimentaire végétarien. Contraint de renoncer à dévorer pour être accepté dans la famille Humaine, il devenait par conséquent un loup castré certes mais … civilisé…

Une nouvelle narrativité dans cette écriture de soi s’est ainsi élaborée pas à pas, passant par une redistribution des rôles, dans une tentative d’apprivoisement des peurs du passé, réactivées en cette période pubertaire. Elle questionne cependant la parentalité fantasmatique : quels parents confieraient la garde de leurs enfants à un loup ? Fût-il déclaré gentil ! Et pourtant ce serait sans compter la « transmission transgénérationnelle des vœux infanticides dont les contes pour enfants sont si souvent représentatifs » (F. Houssier, 2007). Si la représentation de ce récit n’a pas déclenché de pleurs du côté des petits, le temps du goûter a, par contre, été un moment-clé, révélateur des mythologies personnelles de chacun. Ainsi alors qu’une des protagonistes du nouveau scénario promenait sa marionnette de princesse auprès des enfants avec un certain succès, un de ses camarades tentait pour sa part de façon répétitive de faire accepter son « gentil loup » après des plus jeunes, déclenchant fuite et peur… Une petite fille tenait alors à expliquer à sa grand-mère : « les gentils loups ça n’existe pas ! ». Pourtant dans les faits, à aucun moment, l’adolescent n’a renoncé à convaincre les petits : au contraire, il réitérait ses tentatives d’approche suivant toujours le même scénario : il avançait vers les enfants, la marionnette du Prince dans une main, ce qui attirait leur attention et les amenait à s’approcher. Il faisait alors intervenir le loup qui était caché dans son dos provoquant la fuite des plus jeunes malgré ses efforts (désespérés ?) de les convaincre que c’était un « gentil loup ». Dans ce scénario, le loup surgit donc de nulle part de façon inattendue : la question du pulsionnel à l’adolescence est ici posée. Ce jeune ado met en scène ses interrogations concernant sa sexualité. Il tente de dépasser ici ses peurs infantiles d’être dévoré en devenant auteur et acteur d’une histoire dont il peut à loisir tirer les ficelles devant les petits, autres- lui-même, en résonance avec le bébé et l’enfant qu’il a été, sachant qu’il s’adresse de préférence, semble-t-il, aux petits garçons (les filles étant peut-être plus rapides à prendre la poudre d’escampette…).

Peur d’être dévoré et peur de dévorer.

Prince et loup tour à tour : ambivalence de l’adolescence.

L’éclairage de Bernard Golse

A ces deux thématiques, on pourrait peut-être ajouter celle de la structure familiale de ces adolescents, ou plutôt celle de l’image qu’ils s’en font.

En effet, si le Prince et la princesse renvoient à la dynamique freudienne du roman familial dont on sait qu’elle se réactive inconsciemment pendant la préadolescence et l’adolescence – s’imaginer des parents merveilleux et tout-puissants différents des parents de tous les jours, ce qui protège contre les émois œdipiens – l’introduction du loup, en revanche, fût-ce en tant que baby-sitter, permet d’évoquer la dimension fantasmatique agressive dont ces adolescents parent leurs parents réels puisqu’il est clairement dit qu’aucun loup ne saurait être entièrement gentil…

La thématique du loup est à la fois ancestrale et quasi universelle (même dans les contrées où le loup n’existe pas en tant que prédateur potentiel …). Cette constatation ne va pas sans poser des problèmes théoriques ardus notamment quant à la dimension anthropologique et phylogénétique de certaines formes fantasmatiques, mais ce qui nous semble intéressant ici, c’est de prendre en compte les caractéristiques du loup qui renvoient à la pulsionnalité (en particulier orale), à la corporéité et à la bisexualité. Remarquons en effet que ces trois caractéristiques sont extrêmement marquées chez le loup : le loup dévore (oralité), le corps du loup est son atout principal pour la vie et pour le combat, et son mélange enfin de doux (la fourrure) et de dur (les dents) renvoie aux précurseurs de la bisexualité psychique selon les stéréotypes habituels des composantes féminine (le doux) et masculine (le dur).

Or, parmi les problématiques qui se trouvent partagées par les bébés et les adolescents, il y a notamment celles de l’oralité, du corps et de la bisexualité psychique. Il nous semble ainsi qu’elles sont particulièrement à même de donner lieu, inconsciemment, à un intérêt spécifique des adolescents envers les bébés car elles résonnent en eux de manière assez spécifique. Nous reviendrons plus loin sur la question de la pulsionnalité, mais nous voudrions dès maintenant insister sur la place du corps et de la bisexualité psychique.

La place du corps

Finalement, c’est le corps qui prend ou reprend chez les bébés et les adolescents une place tout à fait centrale, au cœur même des processus de subjectivation, de symbolisation et de sémiotisation, le corps comme la psyché – en intrication extrêmement étroite – pouvant alors devenir sources d’impuissance ou de honte, objets de haine ou de renoncement. L’adolescent oscille par ailleurs entre le désir et la peur de contacts corporels avec autrui et l’on sait à quel point il peut encore avoir besoin de tendresse et de câlins qui peuvent parfois surprendre mais dont il faut savoir respecter aussi bien la possibilité que l’intermittence. Comme les bébés, les adolescents ont en effet cette particularité de susciter la création de liens autour d’eux mais, dans le même temps, de s’attaquer parfois brutalement à ces mêmes liens.

La bisexualité psychique

La question de la bisexualité psychique se pose également à ces deux âges de la vie puisqu’elle se trouve en cours d’élaboration chez le très jeune enfant et qu’elle se voit remise en question chez l’adolescent dont l’accès à un corps définitivement sexué va parfois se traduire par un véritable breakdown, cassure dépressive si bien décrite par des auteurs comme M. et M.E. Laufer (1989, 1993).

It is never too late to have a happy childhood

Les adolescents ne sont pas seulement de vieux bébés, et les bébés ne sont pas seulement de futurs adolescents, cela va de soi. En revanche, le bébé qu’on a été, ou qu’on pense avoir été, rend compte, en partie, de l’adolescent que l’on devient, et l’adolescent que l’on est devenu, peut en permanence revisiter, transformer et réécrire ses souvenirs de bébé.

Dans un écrit sur l’après-coup, J. Laplanche (1999) relate une anecdote que, selon lui, S. Freud appréciait beaucoup et qui montre que certes le passé explique en partie notre présent, mais que notre présent peut aussi nous permettre de repenser, de revisiter notre passé. Il s’agit donc d’une lecture à double sens (du passé vers le présent mais aussi du présent vers le passé) de la théorie dite de l’après-coup.

C’est l’histoire d’un homme qui se promène dans un parc, à Vienne, à la fin du 19ème siècle, un homme dont il est dit qu’il aime les femmes, mais sans que son âge soit précisé, ce qui laisse un possible considérable ! Quoi qu’il en soit, au détour d’une allée, il s’arrête devant le spectacle d’une jeune femme qui allaite son bébé, littéralement happé par l’image, figé, paralysé, on pourrait dire aujourd’hui « scotché », mais on pourrait dire aussi, plus psychanalytiquement, médusé. Et en même temps que cet arrêt sur image, surgit alors en lui une pensée extrêmement nostalgique : « Si j’avais su, quand j’étais bébé, que les seins des femmes étaient si jolis, alors, certainement, j’aurais tété (j’aurais été ?) autrement… ». Cette histoire apparaît comme exemplaire, car elle nous fait bien sentir que le bébé que cet homme a été, conditionne plus ou moins l’homme érotique qu’il est devenu, mais en même temps que l’homme amateur de femmes qu’il est aujourd’hui, lui permet de réécrire, de rétrodire le bébé qu’il pense avoir été, qu’il aimerait avoir été, ou qu’il craint d’avoir été. Or, nous semble-t-il, c’est précisément le bébé qu’on a été, ou le bébé qu’on pense (espoir ou crainte) avoir été, qui impacte, qui infiltre et qui imprègne les relations avec le bébé de chair et d’os qu’on a, ou qu’on aura un jour.

Bien entendu, personne ne peut changer les évènements de son passé, mais chacun peut changer le regard qu’il porte sur sa propre histoire. Se réconcilier avec son enfance ou avec son passé, change tout pour l’avenir, et notamment pour la manière dont nous nous occuperons de nos propres enfants. C’est en cela qu’on peut dire : « It is never too late to have a happy childhood », phrase apparemment irrationnelle et illogique mais qui renvoie à cette possibilité, quand tout va bien, d’apaiser nos angoisses rétrospectives et de tranquilliser nos souvenirs d’enfance.

C’est ce pari que nous faisons en allant parler des bébés aux adolescents, car nombre de ces adolescents sont de futurs parents, et que leur façon de penser à leur propre enfance influencera leur manière d’être parents.

Une autre conséquence de cette vision dialectique de la théorie de l’après-coup, est que la difficulté de notre renoncement au pouvoir sur l’enfant, se trouve intrinsèquement liée à notre capacité, ou à notre incapacité, de tranquilliser la peur du bébé que l’on craint d’avoir été.

L’adulte, dans ses interactions avec le bébé dont il s’occupe, lui « raconte » quelque chose du bébé qu’il a été lui-même, ou surtout du bébé qu’il pense avoir été, qu’il espère avoir été ou qu’il craint d’avoir été. Le bébé que l’on a été, aussi agissant soit-il tout au fond de notre psyché, est d’un accès difficile car recouvert par une longue série de refoulements et par l’amnésie infantile.

Le bébé que l’on espère avoir été, tire les choses du côté de l’idéalisation et partant, il comporte peu de risques pour notre relation avec les enfants dont nous nous occupons. Celui qui est le plus risqué mais aussi le plus important à prendre en compte, c’est le bébé que nous craignons d’avoir été.

En effet, c’est celui-ci qui, souvent, se trouve à la racine de nos vocations professionnelles dans le champ de la petite enfance (pour tenter, plus ou moins inconsciemment, de protéger les enfants dont nous aurons la charge des dangers et des difficultés que nous imaginons, parfois à juste titre, avoir rencontrés), mais c’est aussi celui qui peut nous gêner pour accepter de renoncer à notre pouvoir sur les enfants, pour leur donner la possibilité de faire leurs propres expériences, de découvrir sous notre regard leurs ressources personnelles et spécifiques, et d’éprouver ainsi le plaisir narcissique de transformer leurs compétences potentielles en performances actualisées.

Vouloir faire les choses à la place de l’enfant, projeter sur lui nos propres solutions, l’empêche en effet d’avoir la satisfaction de réussir, non pas tout seul, mais par lui-même, aux côtés d’un adulte émerveillé, étayant et encourageant. C’est cependant là que s’insinue notre ambivalence envers l’enfance, envers notre propre enfance, car ce désir d’aider l’enfant et de faire à sa place, renvoie aussi à un rapport de pouvoir envers les enfants, rapport de pouvoir auquel les adultes ont beaucoup de mal, en général, à renoncer.

Renoncer à ce pouvoir, suppose, en effet, de faire véritablement confiance à l’enfant, à ses rythmes internes de développement (dont dépend l’harmonie des acquisitions), aux bienfaits de la liberté motrice et au fait, finalement, que sur le fond d’une attente tranquille de la part des adultes, les différents apprentissages se font toujours en leur temps, sans qu’il soit besoin d’accélérer les choses de manière inconsidérée, ce que les travaux de l’Institut Pikler-Lóczy ont désormais démontré à l’envi (M. David et G. Appell, 1973, 1996, 2008).

IVème Partie : Parler des bébés aux ados

C’est cette réceptivité particulière des adolescents à l’égard de ce qui vient des bébés qui nous invite d’une part à repenser, à revisiter l’adolescence à la lumière des nouvelles connaissances sur le bébé (voir Vème Partie), et d’autre part à imaginer des démarches innovantes pour ouvrir les adolescents à une meilleure perception des bébés et de leur propre enfance.

Depuis plus de six ans maintenant, nous avons donc mis en place un dispositif qui nous permet de parler des bébés aux adolescents dans une perspective de prévention. Nous menons notre action soit dans une classe de seconde, soit dans une classe de première, mais jamais dans une classe de terminale où la pression du baccalauréat nous semblerait susceptible d’être trop forte pour permettre une disponibilité psychique suffisante des élèves. Cela se passe en deux temps à quinze jours d’intervalle avec, à chaque fois, la présentation d’extraits d’un documentaire réalisé par Bernard Martino (Lóczy, une maison pour grandir) sur l’expérience qui a été menée de 1946 à 2011 à la pouponnière de l’Institut Pikler-Lóczy de Budapest (Hongrie).

Le première séance donne l’occasion d’un certain nombre de réflexions générales sur les bébés, la deuxième laisse une grande place aux questions des adolescents qui se formalisent dans l’après-coup de la première séance et dans l’après-coup immédiat de la deuxième, qu’il s’agisse de questions directement liées aux image visionnées, ou à des questions plus générales parfois prévues et préparées à l’avance.

Un cadre contenant

Les propos de Bernard Golse s’inscrivent dans un cadre institutionnel et interviennent dans une progression en lien avec les programmes scolaires en vigueur. Cet aspect apparaît essentiel car c’est cette continuité qui permet aux savoirs transmis lors de ces deux interventions de s’insérer dans une démarche pédagogique mûrement réfléchie, et de respecter le tempo de l’élaboration psychique et de ses retentissements en prenant en compte les processus d’après-coup. Le cadre de la classe instauré dès la rentrée est essentiel, notamment pour des ados, afin de contenir les éventuels flots d’excitation et d’exaltation si caractéristiques de cette période adolescente. L’enjeu pour tout enseignant n’est pas de « tenir sa classe », mais d’être en capacité de contenir l’émotionnel qui peut (re)surgir en lien avec l’évocation de thématiques susceptibles de toucher l’enfant intérieur de chacun de ces adolescents.

Un support : le film de Bernard Martino, Lóczy, une maison pour grandir

En invitant les ados à découvrir la genèse de la pouponnière de Lóczy en Hongrie, dans le contexte de la fin de la 2e guerre mondiale et du début de la guerre froide, c’est en réalité tout un cheminement de pensée sur les enjeux des premiers soins apportés aux bébés qui leur est proposé. Pour ce faire, le film de Bernard Martino s’est avéré un choix pertinent pour accompagner la réflexion, susciter une prise de conscience sur les capacités réelles du bébé à découvrir le monde.

Pourquoi avoir choisi de parler de l’approche Piklérienne ?

Selon Bernard Golse, il s’agit moins d’un « modèle à suivre » que d’une source d’inspiration et de réflexion :

Une petite histoire de l’Institut Pikler-Lóczy

L’Institut Pikler-Loczy a été fondé à Budapest en 1946 par la pédiatre Emmi Pikler, au carrefour des courants de pensée pédiatrique, psychanalytique, attachementiste et pédagogique, dans le but d’accueillir de jeunes enfants rescapés de la tourmente qui s’était abattue en Europe à l’occasion de la seconde guerre mondiale. Certains de ces enfants étaient littéralement privés d’histoire, sans prénom, sans nom, et sans récit possible de ce qu’ils avaient vécu.

Bouleversée en tant qu’être humain, en tant que femme et en tant que pédiatre par ces situations catastrophiques, Emmi Pikler a alors souhaité créer un lieu pour accueillir ces enfants dans le double but, d’emblée, de leur permettre de survivre physiquement, mais aussi de leur fournir les conditions psychiques susceptibles de leur permettre de devenir des personnes à part entière, avec des assises narcissiques suffisamment positives pour pouvoir se respecter elles-mêmes.

Les équipes de Lóczy ont alors pu mesurer à quel point il est difficile de s’occuper d’enfants dont l’on ne sait rien, et de ce fait elles ont été amenées à développer une remarquable professionnalisation des soins qui a fait école depuis, dans le monde entier, et notamment en France grâce aux travaux de Myriam David (2014) et de Geneviève Appell, d’abord présentés dans un ouvrage, Lóczy ou le maternage insolite, qui est devenu depuis lors un livre-culte pour tous les professionnels de la petite enfance (M. David et G. Appell, 1973, 1996, 2008). Plus de 4000 enfants ont été accueillis à Lóczy entre 1946 et 2011, date de la fermeture de la pouponnière.

Le terme d’Institut Pikler-Lóczy renvoie donc d’une part à l’expérience d’Emmi Pikler qui possédait, dès avant la deuxième guerre mondiale, une grande connaissance du développement et de l’ontogénèse individuelle des bébés en famille grâce aux visites à domicile qu’elle pratiquait alors, et d’autre part à l’expérience du développement de bébés en collectivité qu’elle a initiée dans la pouponnière fondée dans une villa que l’état hongrois avait donc mise à sa disposition en 1946, dans une rue de Budapest, la rue Lóczy. Les travaux de l’Institut Pikler-Lóczy, à Budapest, demeurent pilotes depuis une soixantaine d’années, et ils nous semblent avoir une importance considérable dans le champ de nos réflexions sur la prévention.

L’Association Pikler Lóczy-France a été fondée en 1984 par Geneviève Appell, dont nous voulons saluer ici la créativité, la profondeur de la pensée et l’expérience immense qui font d’elle une véritable pionnière dont la modestie et les qualités de chercheuse demeurent, aujourd’hui encore, un exemple vivant pour les plus jeunes. Une vingtaine d’associations de ce type ont progressivement vu le jour dans le monde entier.

Ma rencontre avec les travaux de l’Institut Pikler-Lóczy de Budapest (B. Golse)

Elle s’est bien sûr faite, comme pour beaucoup d’entre nous, à travers le livre de Myriam David et Geneviève Appell, mais c’est surtout en 1996, lors du cinquantenaire de la fondation de cet institut, que j’ai eu un contact plus direct avec ce lieu si particulier, lors du congrès qui avait été organisé à Budapest à l’occasion de cet anniversaire.

Je me souviens encore avec émotion de ma première venue à Budapest, lors de cette très belle manifestation. Je me trouvais alors en compagnie de personnages importants qui ont beaucoup compté, ensuite, dans ma trajectoire professionnelle et personnelle. Parmi eux, je citerai seulement Didier Houzel, Serge Lebovici, Michel Soulé, et Daniel Stern avec lesquels j’ai ensuite développé des liens à la fois respectueux, amicaux et affectueux. J’étais évidemment très impressionné, mais je sentais aussi qu’il se passait là quelque chose de très important en soi, en même temps que de très précieux pour moi, et qui allait sans doute profondément me marquer. Depuis lors, les travaux de l’Institut Pikler-Lóczy ont effectivement beaucoup stimulé ma propre réflexion.

A tout ceci, j’ajoute le choc qu’a été pour moi les films de Bernard Martino (2000, 2014) sur l’Institut Pikler-Lóczy, et notamment un passage de son commentaire qui soulignait le fait que, si le 20ème siècle nous avait décidément tout appris des diverses manières de détruire l’individu, il était néanmoins des lieux très précieux, comme l’Institut Pikler-Lóczy de Budapest, où, au contraire, on apprenait à aider les bébés à se construire et à grandir. Cette phrase résonne souvent dans ma mémoire, et elle m’aide sans conteste à distinguer ce qui a de l’importance de ce qui en a moins…

J’ai donc accepté avec enthousiasme la présidence de l’Association Pikler-Lóczy depuis 2007 (à la suite de Geneviève Appell, puis de Françoise Jardin), car je crois en effet que dans le monde qui est le nôtre, les apports de l’Institut Pikler-Lóczy sont porteurs d’une vision du bébé et de son développement qui est garante de l’unité de la personne en devenir des plus petits, et qui, dans le même temps, nous permet de veiller à leur liberté et à leur dignité au sein d’une éthique du soin et de la prévention, qui ne laisse pas de nous impressionner, et que nous avons donc à cœur de concourir à diffuser dans la mesure de nos moyens.

Les concepts clefs de l’approche piklerienne au regard de la réflexion actuelle sur le développement (B. Golse)

Nous énoncerons seulement, et sans hiérarchisation aucune :

  • la qualité des moments de rencontre individuelle considérés comme vitaux pour les enfants fragilisés par la vie et vulnérables, et comme source de la confiance ;
  • la permanence, la continuité, la prévisibilité, l’anticipation et le respect des rythmes propres de chaque enfant comme facteur de stabilité et d’harmonie des acquisitions ;
  • le besoin fondamental des enfants de pouvoir transformer par soi-même ses compétences en performance grâce aux situations de liberté motrice ou d’activité libre ;
  • la synchronie polysensorielle émanant des gestes des nurses comme aide à l’accès à l’intersubjectivité et à la subjectivation ;
  • l’importance de la personne de référence comme garante de la continuité de l’histoire de l’enfant ;
  • l’équilibre soigneux entre les moments de rencontre individuelle, les moments d’activité libre en groupe et les moments groupaux proprement dits ;
  • l’attention, enfin, accordée aux processus de socialisation primaire.

Tout cela, c’est de la bien-traitance (B. Golse, 2006), et notamment à la lumière de ce que l’on sait aujourd’hui du tout premier développement de l’être humain.

La néoténie humaine, l’épigénèse, la plasticité cérébrale et les enjeux éthiques et professionnels (B. Golse)

L’institut Pikler-Lóczy représente à mes yeux un véritable petit laboratoire pour l’étude et la compréhension du développement précoce et pour approcher le concept de bien-traitance. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est de constater à quel point les données cliniques, techniques et théoriques qui fondent l’approche piklerienne et les travaux de l’Institut Pikler-Lóczy sont compatibles à la fois avec les avancées actuelles extraordinaires des neuro-sciences et avec les acquis de la réflexion psychanalytique en matière de développement précoce. Lorsque le bébé humain sort du ventre de la mère, et après une période prénatale où ses différents appareils sensoriels se sont successivement mis en place, quatre grands chantiers s’offrent alors nécessairement à lui : le chantier de l’auto-conservation, celui de l’attachement, celui de l’intersubjectivité, et celui de la régulation des expériences de plaisir et de déplaisir.

• Le chantier de l’auto-conservation est celui qui permet que s’enclenchent les grandes fonctions vitales de l’organisme sans lesquelles le nouveau-né ne pourrait pas physiquement survivre. Michel Soulé disait, à ce sujet, que le bébé doit « opter pour la vie » (M. Soulé, 1980).

• Le chantier de l’attachement est celui qui permet à l’enfant de réguler au mieux la juste distance spatiale, physique avec autrui, afin de construire son espace de sécurité, ce qui renvoie à tout ce que John Bowlby a développé dans le cadre de la théorie de l’attachement (J. Bowlby, 1978, 1984).

• Le chantier de l’intersubjectivité est celui qui lui permet de réguler au mieux sa juste distance psychique, cette fois-ci, avec autrui afin de se sentir exister comme une personne à part entière.

• Le dernier chantier, enfin, est celui qui permet à l’enfant de réguler de la manière la plus efficace ses expériences émotionnelles, en l’amenant à rechercher les expériences de plaisir, à fuir les expériences de déplaisir, à modifier son environnement pour éviter le déplaisir, à prendre en compte le plaisir ou le déplaisir d’autrui, et à savoir surseoir à certaines expériences de plaisir pour en tirer, ultérieurement, un plaisir encore plus grand (savoir attendre). Jusqu’à maintenant, c’est probablement la psychanalyse qui a exploré ce dernier chantier avec le plus de soin.

Il importe alors de nous interroger sur la part génétique ou environnementale de la mise en œuvre de ces quatre grands chantiers qui ne sont pas entièrement indépendants les uns des autres. Le bébé humain est sans aucun doute le plus immature, à la naissance, de tous les bébés mammifères. S. Freud l’avait souligné dès 1926, dans son livre « Inhibition, symptôme et angoisse », dans lequel il faisait remarquer que tout se passe un petit peu comme si, dans l’espèce humaine – du fait, peut-être, des raisons mécaniques liées à l’accès à la station bipède – la grossesse se trouvait, en quelque sorte, amputée d’un quatrième semestre (S. Freud, 1926) !

Quoi qu’il en soit, il est clair que le nouveau-né humain, même à terme, est tout à fait inachevé, et qu’il est beaucoup plus dépendant de son entourage que les bébés des autres espèces mammifères (on sait, par exemple, que le petit poulain sait marcher dès la naissance, ainsi que le petit veau, pour s’en tenir à ces deux exemples bien connus). Cet inachèvement premier de l’être humain qui a pour nom la néoténie, rend le bébé humain très fragile, vulnérable et environnement-dépendant.

Il est donc clair que s’occuper d’un nouveau-né et d’un très jeune enfant comporte des enjeux considérables auxquels le « management » d’aucune structure d’accueil de jeunes enfants quelle qu’elle soit, ne peut être indifférent (D. Rapoport et A. Roubergue, 2013). Ce n’est pas seulement une question de gentillesse ou d’humanité – ce qui est déjà essentiel – mais c’est une véritable question développementale dans la mesure où la qualité des soins apportés aux bébés, du fait de la néoténie humaine, de l’épigenèse et de la plasticité cérébrale, va s’inscrire chez eux sur un double plan, psychologique et cérébral (c’est-à-dire neurologique). Le cerveau des petits rats élevés en milieu enrichi ou carencé ne se développe pas de la même manière, notamment en matière de synaptogenèse et de richesse neuronale. Sans doute en va-t-il de même dans l’espèce humaine, et d’une manière peut-être encore plus marquée du fait, précisément, de la néoténie qui lui est tout à fait spécifique. Quoi qu’il en soit, c’est cette dimension développementale des soins apportés aux tout-petits qui fait de l’approche piklerienne et des pratiques professionnelles de l’Institut Pikler-Lóczy un enjeu considérable, et un modèle d’éthique professionnelle absolument remarquable et éminemment moderne.

Le visionnage du film de Bernard Martino : démarche pédagogique proposée par Marie Biot

Ce visionnage en commun avec les adolescents est un moment très fort, de partage silencieux d’émotions, et donc de communication entre nous et eux en-deçà des mots. Les deux séances ont lieu, nous l’avons dit, à quinze jours d’intervalle.

Première séance : les thématiques abordées, le choix des séquences

Les thématiques abordées sont en lien avec le programme d’Histoire de Première L/ES/S notamment le chapitre intitulé : « Guerres mondiales et espoirs de paix ». Une des séquences projetée du documentaire de Bernard Martino rappelle la situation de la Hongrie au sortir de la Seconde Guerre mondiale. En effet, en 1946, ce pays avait perdu environ 6,35% de sa population d’avant-guerre, soit 300 000 militaires et 200 000 civils : même si les chiffres varient selon les sources, ils permettent de prendre la mesure du défi à relever concernant notamment la prise en charge des jeunes orphelins… Plusieurs passages du film donnent ainsi à voir l’attention empathique des nurses vis-à-vis des bébés de la pouponnière. Ils sont ensuite contextualisés par le rappel des conditions de la genèse de l’Institut Pikler-Lóczy.

Emmi Pikler propose alors une approche novatrice de l’éducation fondée sur le respect, la confiance dans la valeur de l’activité spontanée du bébé (motricité dite libre) et sur des soins de qualité afin de permettre à ces enfants orphelins de s’épanouir malgré leurs premiers vécus traumatiques. La projection de ce premier extrait s’achève par l’intervention filmée de Myriam David lors d’un Symposium international à Budapest en 1996. Avec beaucoup d’émotion, cette pédopsychiatre de renom, ambassadrice en France de la pédagogie piklérienne, relate les conditions de sa prise de conscience de la valeur du soin du corps en lien avec son expérience concentrationnaire lors de sa détention au camp Auschwitz-Birkenau : « A propos de l’absence de soins et de ce que le soin de Lóczy apporte, je le crois, au niveau de l’humanité, ce qu’on n’a pas dit, c’est que dans le phénomène des camps de concentration, ce qui a été dynamique dans le sens de la destruction, c’est le “non-soin” absolu. Le “non-soin”, c’est l’absence de la nourriture ou lorsque la nourriture est “dégueulasse”, c’est la saleté “dégueulasse”, ce sont les vêtements “dégueulasses”, c’est l’épuisement, l’absence de sommeil. Et l’on n’a pas dit non plus que, quand cela arrive au corps, l’âme s’en va. En tout cas, la psyché s’en va et l’on ne pense plus. Un corps maltraité ne peut pas penser. Il est abject. Il donne envie à l’autre de le mépriser, l’envie de le battre et de le détruire. ». Son témoignage intervient en partie en fond sonore sur des images d’archives renvoyant à la découverte dans les années 1995 en France des orphelinats roumains.

Deuxième séance

Quinze jours après cette première rencontre, un nouvel échange est proposé aux lycéens de la même classe autour d’un nouvel extrait du film de Bernard Martino qui montre, cette fois-ci, le retour d’Attila, 22 ans, à l’institut hongrois, accueilli par la nurse qui s’était occupée de lui jusqu’à son adoption à 3 ans et 7 mois. Ce passage permet d’aborder les effets d’après-coup et le questionnement sur l’originaire et les origines à l’adolescence. Il peut être mis en lien avec une des questions du programme d’Histoire précédemment étudiée portant sur « la genèse des régimes totalitaires (soviétique, fasciste et nazi) », qui amène à réfléchir à l’encadrement de la jeunesse dans les sociétés ou à l’enfance des dictateurs. Cette thématique peut trouver à mon sens des pistes de réflexion riches de sens dans les recherches sur les transmissions inter et transgénérationnelles (B. Clavier, 2013). Là aussi, la réflexion proposée se construit pas à pas au rythme des questions qui viennent aux élèves. Cette élaboration est vraiment essentielle, et les élèves apprécient le souci de Bernard Golse d’accompagner leurs interrogations en leur proposant des pistes de réflexion. Ce projet est évolutif.

Ayant constaté que les élèves rencontraient des difficultés à associer les deux extraits de film passés à quinze jours d’intervalle, un court extrait du film est proposé avant la seconde visite de Bernard Golse : une séquence du documentaire qui montre le départ d’Anita, petite orpheline qui quitte alors l’institution Pikler-Lóczy dans les bras de son nouveau papa pour rejoindre sa famille d’adoption. Cette séquence permet de lier la première intervention axée sur la période de la petite enfance à l’orphelinat et la deuxième davantage centrée sur la traversée adolescente et les questionnements qu’elle suscite à partir de l’expérience d’Attila. Le fait qu’Attila se penche rétrospectivement sur sa petite enfance en revenant sur les lieux où il a vécu avant son adoption, le fait qu’il rencontre la nurse qui s’était occupée de lui à l’époque, l’amène bien évidemment à s’interroger sur ses vécus précoces et à tenter de les reconstruire.

C’est, au fond, à faire ce même mouvement psychique que nous invitons les adolescents que nous rencontrons en leur demandant de réfléchir à la question des bébés en général, ce qui ne peut se faire sans qu’ils repensent aux bébés qu’ils ont eux-mêmes été.

Les réactions des adolescents

Les bébés filmés en gros plans suscitent des réactions d’émois des élèves, parfois des rires plus ou moins défensifs, et ne les laissent pas insensibles. Les ados sont très réceptifs au climat apaisé qui règne dans cette pouponnière : en effet, « le comportement des enfants semble exempt de toute brutalité, emprunt au contraire d’une grande délicatesse. Ils touchent les objets, ils touchent les autres de la manière dont ils sont eux-mêmes touchés. » (B. Martino, 2009). Les ados sont très sensibles à cette atmosphère de grande sérénité car le vivre ensemble n’est souvent pas simple dans nombre d’établissements scolaires, comme en témoignent la multiplication des cas de harcèlement scolaire. Les jeunes confient après-coup le fait d’apprécier le climat de confiance et d’écoute bienveillante proposé aux enfants dans cette pouponnière. Ils témoignent de leur envie d’en savoir davantage sur les bébés et sur leurs besoins. Leur regard sur la pédopsychiatrie s’en trouve modifiée, et plusieurs indiquent que le recours à un professionnel de santé serait désormais envisageable pour eux en cas de difficultés rencontrées avec leur enfant.

Parler des bébés peut susciter des réactions défensives, revendiquées avec forte conviction chez certains ados (environ chez 5% d’un effectif pour donner un ordre d’idées, fille et garçon) : « de toute façon, j’aime pas les bébés » et/ou « je n’aurai jamais d’enfant ». Cette association entre « parler » des bébés et « en faire » ou « ne pas en faire » peut s’entendre comme un retour des « théories et mythes magico-sexuels » de l’enfance (S. de Mijolla-Mellor, 2002).

Lorsqu’une parole vient dissocier le dire et le faire (les bébés ne naissant pas par la bouche dans la réalité au moins), les élèves peuvent alors investir les projets proposés. Pour quelques-uns, la projection d’images de bébés leur est insupportable et les amène à se recroqueviller sur eux-mêmes.

De tels projets nécessitent une grande vigilance de la part des organisateurs pour entendre/voir les messages explicites ou/et implicites qui leur sont envoyés. Les absences de certains élèves lors d’une des interventions de Bernard Golse (jamais lors des deux pour l’instant) nous disent toujours quelque chose. S’en inquiéter sereinement touche beaucoup les ados et les amène parfois à déposer là ce qui a pu faire retour plus ou moins douloureusement. Les ados sont informés des possibilités d’aide par des professionnels du soin psychique, notamment via certains sites Internet tel Fil Santé Jeunes, ou les Maisons de l’adolescence.

Les problématiques personnelles soulevées peuvent alors trouver une écoute bienveillante et il n’est pas rare que des élèves alors en difficultés (scolaires, familiales…) puissent réinvestir notamment les apprentissages scolaires. Parler des bébés aux ados provoque également des réticences chez certains adultes (parents d’élèves, enseignants, etc.) qui réprouvent à demi-mot cette initiative susceptible de favoriser selon eux les grossesses précoces. La réalité du terrain tendrait pourtant plutôt à prouver le contraire, certaines jeunes filles confiant après-coup combien l’intervention de Bernard Golse leur avait fait prendre conscience des besoins d’un bébé réel, et de l’importance de se sentir prête pour l’accueillir dans de bonnes conditions.

Les élèves se montrent très reconnaissants de pouvoir bénéficier des savoirs d’un pédopsychiatre, d’un véritable professionnel du psychisme des enfants, et conscients pour un certain nombre d’entre eux des limites des informations glanées sur le net (les blogs en particulier) et des partis pris de certaines émissions télévisuelles de fiction ou de téléréalité. Exceptées ces quelques remises en cause, parler des bébés et les rencontrer enchantent les élèves et trouvent le soutien de nombreux parents, enseignants, personnels de l’établissement. Cette innovation invite à reconnaître et à accompagner la parentalité psychique en gestation chez ces ados. Le souhait de certains élèves de vouloir transmettre à leur tour les connaissances qu’ils ont reçues prouve à quel point elles ont fait sens pour eux dans leur cheminement personnel. Ainsi, un peu après l’intervention de Bernard Golse, une élève avait écrit dans la fiche bilan de l’intervention son « envie encore plus forte de travailler dans ce milieu ».

Vème partie : L’adolescence à la lumière des nouvelles connaissances sur le bébé (B. Golse)

Peu à peu, bébés et adolescents sont devenus des pôles d’investissement (financier et réflexif) de plus en plus importants et ceci d’ailleurs, quelque peu au détriment de l’enfant d’âge scolaire, un peu comme si la période de latence faisait régulièrement figure de parent pauvre et de thème oublié de la pédopsychiatrie actuelle, ce qui est en réalité fort dommage. Quoi qu’il en soit, la mise en perspective des modalités de fonctionnement psychique des bébés et des adolescents s’avère riche d’enseignements et notamment à la lumière des acquis les plus récents de la psychiatrie du nourrisson, en soulignant bien cependant qu’il ne s’agit en rien de considérer les adolescents comme de grands bébés.

En effet, si l’adolescence est une période naturelle de réactivation et de reviviscence de mécanismes psychiques et de types de relations précoces, il n’en demeure pas moins qu’il nous faut sans conteste tenir compte des effets d’après-coup qui font de ces reprises fonctionnelles bien autre chose que de simples répétitions ou de simples rééditions (pour évoquer ici, indirectement, le registre transférentiel). De ce fait, notre propos est seulement de lire les spécificités du fonctionnement psychique à l’adolescence à travers ce que nous avons appris des bébés, non pas tant à titre de comparaison formelle mais plutôt pour éclairer d’un jour nouveau, pour appréhender sous un nouvel angle certaines particularités cliniques propres à ces deux périodes de la vie (B. Golse, 2002).

Analogies de fonctionnement psychique entre bébés et adolescents

Les analogies de fonctionnement psychique entre bébés et adolescents sont en réalité connues et soulignées depuis relativement longtemps.

L’intensité pulsionnelle

Il y a d’abord une intensité pulsionnelle très forte aussi bien chez les bébés qui vivent la mise en place de leur appareil psychique et la mise en route séquentielle de leurs diverses problématiques pulsionnelles (orale, anale puis phallique) que chez les adolescents qui, à l’occasion de la puberté, se voient confrontés à un mouvement de réactivation pulsionnelle parfois massif. L’oralité a ici, bien évidemment, une place élective et l’on sait son rôle central en ce qui concerne l’anorexie mentale et le champ plus général des conduites addictives.

La prévalence de l’amour de soi-même (narcissisme) sur la relation à autrui

La dialectique entre le courant narcissique (investissement de soi-même) et le courant objectal (investissement d’autrui) joue en fait tout au long de l’existence et il faut insister sur le fait que chacune de ces deux problématiques peut venir servir de défense vis-à-vis de l’autre. Chez le bébé, par exemple, c’est la problématique œdipienne (objectale) qui vient supplanter la problématique initiale de l’instauration du narcissisme primaire, et l’on retrouve ce mouvement à l’adolescence quand la reprise et l’extrapolation extra-familiale de la thématique œdipienne vient mettre un terme à la crise narcissique liée aux transformations (physiques et psychiques) de la puberté. A ces deux époques de la vie (chez le bébé et chez l’adolescent), l’axe narcissique s’avère prévalent puisque le bébé doit forger ses assises narcissiques et puisque l’adolescent va devoir chercher à vérifier son intégrité et son invulnérabilité narcissiques au travers de ses diverses conduites de risque (sports dangereux, toxicomanies, défi anorexique …).

La prévalence de la communication préverbale

L’infans (soit le bébé avant l’accès au langage verbal) se situe par définition en deçà des mots et, de ce fait, ses possibilités de communication préverbale (mimiques, gestes, comportement) précèdent, et de loin, la mise en place de sa communication verbale. C’est ainsi que l’instauration de ses procédures d’attachement (premier semestre de la vie essentiellement) et de ses capacités d’accordage affectif (deuxième semestre de la vie principalement) peuvent être comprises en termes d’intentionnalité communicative primaire avant même la distinction claire entre le soi et le non-soi. Quoi qu’il en soit, ce type de communication préverbale qui existera toute la vie (en arrière-plan de la communication verbale) revient au premier plan de la scène au moment de l’adolescence.

L’agressivité

Il est habituel de distinguer au cours du développement psychique trois types différents d’agressivité qui s’intriquent progressivement : une agressivité pour vivre tout d’abord (la « violence fondamentale » de J. Bergeret, 1984), une agressivité pour vérifier la solidité et la fiabilité de l’objet relationnel ensuite (D.W. Winnicott, 1969), et une agressivité œdipienne enfin visant à évacuer, si ce n’est à détruire, le tiers. La première est de type autarcique, la deuxième est de type duel ou binaire, la dernière est plus triangulée. En tout état de cause, bébés et adolescents partagent une très forte agressivité du deuxième type qui a donc beaucoup plus pour but d’éprouver la résistance et la solidité de l’autre que de viser à le détruire, ce qui est très clair au moment des classiques conflits d’opposition du deuxième semestre de la vie ou de la crise d’adolescence.

Apports de la psychiatrie du bébé à la compréhension de l’adolescent

Les développements récents de la psychiatrie du bébé ont considérablement renouvelé notre vision des processus de la croissance et de la maturation psychiques du très jeune enfant mais nombre des données ainsi recueillies peuvent également enrichir notre compréhension de la dynamique de l’adolescence. Nous ne citerons ici que quelques exemples.

Les identifications adhésives du bébé peuvent éclairer de manière très fructueuse notre compréhension de certains phénomènes observés chez les adolescents comme celui de l’importance des groupes. Sous ce terme d’identifications adhésives, on désigne un mécanisme qui permet à un sujet (bébé ou adolescent) de se sentir davantage exister, et avec une plus grande sécurité, en se collant à autrui et à ses comportements de surface (se coller au regard de l’autre, imiter sa voix, se vêtir comme lui…). Les identifications adhésives font partie des identifications primaires qui appartiennent au registre de l’Être (« qui suis-je ? » du verbe être) à la différence des identifications secondaires qui appartiennent au registre de l’Avoir (« qui suis-je ? » du verbe suivre) dans la mesure où la dynamique œdipienne repose sur une rivalité avec le tiers dont il s’agit de s’accaparer certaines des qualités. Au-delà de tout ce qui a déjà pu être dit à propos de la constitution des groupes d’adolescents (idéalisation du chef, identifications au leader, projection des enjeux narcissiques…), les notions d’enveloppe groupale et d’adhésivité (physiologique ou pathologique) s’avèrent également très utiles pour rendre compte du rôle des groupes dans la contribution au sentiment d’exister chez les adolescents.

• On sait aussi tout ce qui a pu être dit de la stabilité des schémas d’attachement au cours de la vie, mais il apparaît aujourd’hui que si le modèle d’attachement sécure reconnaît une certaine stabilité, il n’en va pas forcément de même pour les autres schémas d’attachement (insécure, évitant et désorganisé). L’adolescence pourrait ainsi être un moment privilégié de remise en chantier de ces différents schémas d’attachement. Ces remaniements plus ou moins brutaux auraient selon les cas une signification pathologique ou au contraire défensive, voire structurante, et toute attitude prédictive se doit donc d’être fort prudente, mais la prise en compte de la théorie de l’attachement apporte cependant beaucoup à notre approche de la théorie et de la technique des psychothérapies avec les adolescents.

• On observe par ailleurs chez les adolescents une reviviscence de la communication préverbale dont nous avons parlé plus haut et qui redevient ainsi souvent prépondérante comme chez le bébé. Ce sont tous les mécanismes de l’accordage affectif (D.N. Stern, 1989) qui se retrouvent à nouveau au premier plan du fonctionnement interrelationnel des adolescents, et ceci montre à quel point le style (interactif ?) de nos premières rencontres avec un adolescent s’avère décisif pour la suite du processus thérapeutique.

• On sait aussi que le corps de l’adolescent peut revêtir parfois la fonction d’énigme pour l’adolescent lui-même (comme l’était la mère initialement pour le bébé) et ce ne sont plus, alors, les soins maternels, mais ses propres fonctionnements corporels qui viennent réactiver chez lui cette situation de séduction primitive dont on sait la force d’attraction fondée à la fois sur des affects de fascination et d’effroi.

• À ces quelques éléments de réflexion, il faudrait encore ajouter le parallèle qui peut être fait entre la « position dépressive » du bébé (M. Klein, 1968) et la « cassure dépressive » de l’adolescent (M. et M.E. Laufer, 1989, 1993) évoquée ci-dessus. Quoi qu’il en soit du rôle de l’entourage à ce sujet, l’adolescent comme le bébé sont foncièrement confrontés aux effets de rencontre qui font de leur développement un destin ouvert et non pas une fatalité plus ou moins prévisible. C’est tout un monde de possibles qui s’ouvre devant eux et l’adolescence se révèle ainsi comme une nouvelle chance (une dernière chance ?) de rejouer des phases antérieures du développement précoce qui avaient pu, en leur temps, être marquées par diverses difficultés.

En guise de conclusion

Conclusions de Marie Biot

Parler des bébés aux ados, c’est leur proposer de réfléchir à leur histoire. Cela peut être aussi une occasion de leur proposer d’autres grilles de lecture certes peu usuelles mais tout à fait pertinentes de l’Histoire. Invitation à comprendre sa propre histoire dans le cheminement de l’Humanité afin de mettre en perspective ses propres questionnements et les réponses apportées au cours des siècles par ceux qui nous ont précédés. La transmission des savoirs issus des travaux de recherches actuels portant sur le bébé et plus généralement l’enfance méritent d’être portés à la connaissance des ados, potentiels futurs parents. Se croisent sur cet aspect des questions d’accès à la connaissance, des enjeux démocratiques et des problématiques liées à la prévention. Les programmes d’Histoire ont connu des évolutions depuis ces cinquante dernières années. L’histoire des femmes, longtemps occultée, y a trouvé une place reconnue aujourd’hui par tous. Le temps n’est-il pas venu de faire entrer les bébés dans l’Histoire et de reconnaître que la façon de les accueillir et de s’en occuper en disent long sur l’évolution de l’éthique des sociétés et méritent donc d’être prises en compte ? Qui oubliera la photographie prise par Nilüfer Demir reprise par toute la presse européenne, dévoilant au monde entier outre la réalité tragique du fait migratoire, le destin tragique d’Aylan Kurdi, cet enfant de 3 ans retrouvé mort noyé sur une plage turque ?

Les savoirs issus notamment de la pédopsychiatrie ne peuvent donc qu’enrichir l’approche proposée par les Historiens. Certains chercheurs l’ont déjà bien compris qui s’intéressent notamment aux répercussions de certains faits historiques à caractère traumatique dans la sphère de l’intime de génération en génération et/ou qu’ils soient simplement curieux de ce que d’autres disciplines puissent leur apporter à l’écriture de l’Histoire. Ainsi, Stéphane Courtois interviewé en 2007 par Christophe Dickès, dans le cadre de l’émission Un jour dans l’Histoire regrettait que la question psychologique bien que très importante soit sous-estimée par les politologues et les historiens à l’heure actuelle pour appréhender notamment les logiques totalitaires.

Si Emmi Pikler invitait les adultes « à avoir confiance dans les capacités de développement de leur enfant », l’attitude des petits lors des spectacles a été de ce point de vue une formidable démonstration de leurs capacités à se concentrer, à s’intéresser, à expérimenter les modes d’interactions adéquates avec « les grands ».

A leur tour, les ados nous invitent à avoir confiance dans leurs capacités à retrouver, à consoler, à apaiser, à réparer quand cela est nécessaire le bébé qu’ils ont été, véritable message d’espérance pour celui qu’ils auront peut-être un jour à accueillir. En cette période où l’actualité est ponctuée de violences insupportables, il est plus que nécessaire d’en comprendre les ressorts et de penser les contrecoups des défaillances et des discontinuités vécues dans la petite enfance. N’est-ce pas d’ailleurs une piste privilégiée pour donner du sens aux paroles de ces jeunes hommes combattants à peine sortis de l’adolescence qui, aujourd’hui dans des vidéos de propagande, précisent en désignant fièrement leur arme : « je vous présente mon petit bébé »…

Notre vision du bébé, de l’enfant a évolué au cours des siècles et aujourd’hui c’est à nous d’accompagner ceux qui écriront les pages à venir. Les ados sont les parents de demain, et les sensibiliser dès aujourd’hui aux enjeux civiques de la parentalité permettra peut-être qu’ils accueillent plus tard leurs enfants avec un autre regard dans une France où, ne l’oublions pas, deux enfants meurent par jour de maltraitance. Or le petit pas d’un bébé bien accompagné est un grand pas pour l’Humanité.

Conclusions de Bernard Golse

Cette intervention particulière auprès des adolescents nous semble être intéressante sur deux plans distincts : celui d’une aide à la parentalité future d’une part, celui d’une prévention de la violence au sens large d’autre part. Il s’agit donc d’une action ponctuelle mais exemplaire visant à des objectifs sociétaux à moyen et à long terme.

Une aide à la parentalité

Nous savons que même les bébés ont besoin d’une histoire, et d’une histoire qui ne soit pas seulement une histoire médicale, génétique ou biologique, mais d’une histoire qui soit aussi, et peut-être surtout, une histoire relationnelle. Seule cette histoire relationnelle leur permet en effet de s’inscrire dans leur double filiation, maternelle et paternelle, et de pouvoir mettre en œuvre leurs processus d’affiliation, filiation et affiliation se trouvant mutuellement dans un rapport dynamique dialectique sur lequel insistait beaucoup un auteur comme Serge Lebovici selon qui la filiation permet l’affiliation, et l’affiliation permet l’inscription dans la filiation.

B. Doray (1995) a eu un jour cette jolie phrase que nous citons de mémoire : « Un jour viendra où l’on saura tout greffer, des foies, des cœurs, des reins des poumons … mais il est une chose que sans doute l’on ne saura jamais faire, et peut-être heureusement, ce sont des greffes d’histoire… »

L’histoire, en effet, se co-construit entre les enfants et les adultes, elle est le fruit d’une co-écriture active et c’est le point sur lequel nous souhaitions insister dans la mesure où, de ce fait, la narrativité elle-même se trouve être, fondamentalement, le fruit des interactions précoces. Ajoutons que l’histoire est, partout et toujours, on ne le sait que trop, la cible de toutes les dictatures, car priver les êtres de leur histoire est peut-être l’essence même de la violence. Cette remarque est cruciale pour tous ceux qui s’occupent de bébés (mais pas seulement pour eux), et chaque fois que nos modèles psychologiques ou psycho-pathologiques oublient l’histoire, nous prenons alors le risque d’une violence théorique réductrice et hautement dommageable.

L’approche piklérienne nous semble tout particulièrement respectueuse de cette dimension historicisante. Faire sentir tout ceci aux adolescents nous paraît donc constituer une aide à la parentalité, c’est-à-dire une possibilité d’accueillir de manière fructueuse les bébés qu’ils auront peut-être.

Une prévention de la violence

Savoir que les bébés ont une vie psychique, qu’ils pensent à leur manière, qu’ils peuvent ressentir des émotions et qu’ils peuvent communiquer avec nous bien avant l’avènement de leur langage verbal, c’est-à-dire que leur vie psychique s’inscrit en-deçà des mots, nous semble susceptible de susciter chez les adolescents un respect de la vie, un respect de la vie psychique sous toutes ses formes. Respecter la vie, c’est le contraire même de la barbarie, et de ce fait venir parler des bébés aux adolescents est une manière, parmi d’autres, de prévenir la violence dont on sait le grave problème qu’elle pose aujourd’hui à nos sociétés. Une goutte d’eau dans la mer, peut-être … mais cela vaut sans doute la peine !

Finalement et pour conclure

Il nous semble intéressant de revenir encore une fois sur la connivence qui existe entre les bébés et les adolescents, connivence qui justifie et qui permet le travail que nous avons présenté ici.

Un point important que nous n’avons pas encore évoqué, est celui de la séduction originaire. Les bébés et les adolescents sont, les uns comme les autres, confrontés à la question de la séduction et à l’énigme dont elle est porteuse, mais pour les bébés il s’agit d’une énigme du dehors, alors que pour les adolescents, il s’agirait davantage d’une énigme du dedans. Expliquons-nous.

La théorie de la séduction généralisée proposée et développée par J. Laplanche (1984, 1986, 1987) est évidemment fondamentale pour penser l’émergence du sexuel dans le cadre de l’ontogenèse du sujet. Elle permet par ailleurs, selon nous, de dépasser le dilemme, sinon insoluble, entre la nature endogène ou exogène, de l’origine de la sexualité. Nous ne rappellerons pas ici, les points centraux de cette théorisation désormais classique et célèbre, mais nous voudrions seulement insister sur le fait que celle-ci nous offre, en fait, une voie de dégagement quant aux difficultés inhérentes à plusieurs problématiques. Cette théorie propose en effet une théorie du traumatisme structurant mais, ce faisant : elle transcende la question du choix entre traumatisme réel ou traumatisme imaginaire (et de ce fait, elle rend inutile l’abandon complet de la neurotica freudienne), elle transcende la question du choix entre traumatisme endogène ou traumatisme exogène, et enfin, ce qui n’est pas rien, elle offre la possibilité de conserver la théorie du traumatisme en deux temps, y compris dans les cas de traumatismes hyperprécoces qui nous intéressent, au premier chef, dans le champ de la psychiatrie et de la psychanalyse du très jeune enfant.

Notre lecture de la théorie de J. Laplanche consiste en effet, pour nous, à comprendre que la construction de la pulsion se joue à deux, de manière inter- relationnelle entre la mère et le bébé, et que c’est l’implantation dans la psyché de l’enfant des « messages énigmatiques inconscients » – émis par la mère à son propre insu – qui vont organiser ce que J. Laplanche désigne alors sous le terme « d’objets-source » de la pulsion, en tant que messages « compromis » d’abord indécodables et en attente de traduction ultérieure (l’énigme étant liée à l’impuissance traductive, et la séduction à la fascination qui s’attache toujours, peu ou prou, à cette situation d’impuissance, et donc de passivité traductrice).

Rien ne peut faire, en effet, qu’une mère qui allaite ne sache pas, dans le même temps, que dans sa vie de femme, ses seins sont aussi des seins érotiques et pas seulement des seins alimentaires.

Les soins de la mère à l’enfant sont donc réels mais ils véhiculent toujours des messages à teneur fantasmatique sexuelle qui vont venir greffer, de l’extérieur, dans le psychisme de l’enfant, les germes de son organisation pulsionnelle seconde, lesquels, quoique internes, n’étant ensuite activés que du dehors par la rencontre avec un nouvel événement interactif plus tardif et désormais susceptible d’être traduit et métabolisé, ce qui réactive alors la signification des premières inscriptions qui se trouvaient là, encore comme en jachère. Ce schéma s’avère d’une indiscutable originalité avec comme clef de voûte, le processus traductif qui renvoie à la « situation anthropologique fondamentale », soit à la rencontre entre l’adulte et le bébé qui se joue immanquablement sur fond de réciprocité et de dissymétrie (J. Laplanche, 2002).

En tout état de cause, à l’adolescence, c’est le corps de l’adolescent qui peut revêtir lui-même, parfois, la fonction de « signifiant énigmatique » pour l’adolescent et ce ne sont plus, alors, les soins maternels, mais ses propres fonctionnements corporels qui viennent réactiver chez lui cette situation de séduction originaire dont on sait la force d’attraction fondée à la fois sur des affects de fascination et d’effroi.

On assiste ainsi à une sorte d’intériorisation progressive de l’énigme chez les adolescents, l’énigme qui venait de la mère chez le bébé se trouvant alors devenir une énigme venant à la fois du bébé qu’ils ont été et qui demeure enfoui en eux, mais aussi de leur corps lui-même et des bébés que, potentiellement, ils sont désormais à même de fabriquer et de contenir, ce qui nous ramène ainsi à la parentalité et aux bébés que les adolescents auront peut-être un jour.

Des bébés qu’ils furent aux bébés qu’ils auront …

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