Widlöcher, D., 2010. « Stupeur et figures dans la dépression », in Braconnier, A., & Golse, B. (dir.), Dépression du bébé, dépression de l’adolescent, Toulouse, Érès.
En guise d’introduction, je propose de reprendre la lecture de certaines pages de l’article de Freud de 1914, « Deuil et mélancolie ». Il s’agit ici de revenir non pas sur l’essentiel de la démonstration que fait Freud mais sur quelques questions laissées par lui en suspens, et ce de manière très explicite, et que nous retrouvons aujourd’hui dans notre pratique. Je souhaiterais en soulever trois : la place du somatique, l’objet du fantasme mélancolique et la question de la guérison.
La place du somatique
Une remarque, presque incidente dans « Deuil et mélancolie », pose l’existence d’un facteur général qui pourrait jouer un rôle dans certains états mélancoliques : « Le complexe mélancolique se comporte comme une blessure ouverte, attire de tous côtés vers lui des énergies d’investissement […] et vide le moi jusqu’à l’appauvrissement total […]. Un facteur vraisemblablement somatique, non élucidable par la psychogenèse, se manifeste dans la sédation régulière de l’état dans la soirée. À ces considérations se rattache la question de savoir si une perte de moi, sans que l’objet entre en ligne de compte (atteinte du moi purement narcissique), ne suffit pas à engendrer le tableau de la mélancolie, et si un appauvrissement directement toxique en libido du moi ne peut pas produire certaines formes de l’affection » (p. 274). Quelques années plus tard, dans « Inhibition, symptôme et angoisse », le principe d’une inhibition globale est également retenu et son rôle dans la mélancolie précisé : « Les inhibitions plus générales du moi suivent un autre mécanisme qui est simple. Lorsque le moi est impliqué dans une tâche psychique d’une difficulté particulière, comme un…