Tout ne se joue pas avant trois ans
Éditorial

Tout ne se joue pas avant trois ans

Le bébé est devenu en quelques décennies un héros : sujet de compétences certes, mais aussi objet d’idéalisation pour ne pas dire d’idéologie ! Et le voilà l’enjeu de nouvelles querelles : si ce qui est inscrit dans le génome et les conditions de l’environnement du bébé-à-naître surdéterminent son avenir dès la conception, alors on peut admettre que tout se joue très tôt. Mais si, il appert que ce qui se joue autour et après trois ans ouvre pour l’enfant des voies qui étaient autant d’impasses, alors il nous faut accepter cette idée que tout ne se joue pas avant trois ans. Et cela a plusieurs conséquences. D’abord en matière de prévention.  Dans notre domaine, il s’agit des signes de souffrance psychique du bébé et du jeune enfant, pour lesquels nos propositions thérapeutiques sont utiles dans la dynamique familiale, à la condition de ne pas céder aux sirènes de la prédiction, au potentiel mortifère avéré.

Ensuite dans les soins aux enfants. Si tout était joué avant trois ans, de quelle validité serait créditée tous les soins dispensés chaque jour à tous les enfants au-delà de cet âge fatidique ? Et quelle serait la valeur des rencontres dont une des plus grandes richesses est de révéler chez le jeune enfant toutes les potentialités cachées jusqu’alors ? Enfin, sur un plan éthique. Les découvertes récentes en matière de neurosciences, de génétique, et autres, ne doivent pas nous faire oublier que la psychopathologie a aussi une place éminente dans l’approche du jeune enfant. Dans notre pratique quotidienne, les bébés arrivent dans une histoire familiale qu’ils vont contribuer à modifier en même temps qu’ils vont en être le fruit. Cette subtile dialectique ne se met pas en place en trois ans, mais nous construit toute notre vie. Que ce soit dans la « tête » de l’enfant, dans sa famille, ou dans le sociétal, l’aide ne peut venir d’un protocole idéalisé qui dicterait à chacun ce qu’il doit faire pour élever ses enfants. Il s’agit bien au contraire d’oeuvrer avec chaque enfant pour que ce qui peut être transformé positivement le soit, en appui sur sa famille. Alors seulement, beaucoup de choses humaines pourront continuer de se jouer pour l’enfant.