Changer de peau
La peau est toujours anthropologiquement un lieu de vulnérabilité car elle incarne la souveraineté de l’individu face aux autres et à son environnement. Il est là où se tient son corps et les limites de sa peau en sont la frontière. Dans maintes sociétés humaines, les déchets corporels (sang, ongles, cheveux, sperme, excréments, etc.) sont des éléments de danger et de pouvoir aux mains de qui s’en empare. Ce sont des métonymies de la personne, elles sont des chemins qui mènent à elle. Souvent les pouvoirs sorciers ou chamaniques se constituent par le fait de franchir les limites symboliques du corps : faire couler du sang, manger de la chair humaine ou d’un animal prohibé, commettre l’inceste, etc. En allant outre les frontières familières du corps, à travers sa transgression le sorcier ou le chaman fabriquent une puissance à son usage qui le détache désormais de la condition humaine ordinaire. Or, l’efficacité qu’on leur prête est également celle de manipuler les limites corporelles de ceux qui viennent à eux. Toutes les marges sont dangereuses (Douglas, 1981).
Les jeunes générations particulièrement éprouvent la nécessité de contrôler leur limite personnelle pour demeurer en prise sur leur existence. Elles connaissent une métamorphose physique qui les préoccupe, d’autant que le regard porté sur elles par leur environnement social change de tonalité. Elles sont toujours en quête de limites de sens pour exister de manière propice. La peau est la première incarnation de la frontière. Elle est le lieu de toutes les découvertes et de tous les dangers, à la fois poison et remède comme le rappelle l’étymologie du pharmakon. En agissant sur elle sous une forme ou sous une autre, il cherche à agir sur son existence.
La peau enveloppe la personne, elle dresse ses frontières existentielles. Géographie singulière en ce qu’elle…