L’heure est grave pour la psychiatrie et les patients qu’elle accueille et soigne.
De très nombreuses équipes de secteur, en psychiatrie générale et en pédopsychiatrie, connaissent une situation dramatique. D’une part, les demandes d’aide et de soins qui leur sont adressées sont innombrables et les délais pour y répondre s’allongent de façon vertigineuse, et d’autre part, les moyens pour y faire face sont menacés par une paupérisation préoccupante et une réorganisation des dispositifs qui apparaît problématique à tous ses acteurs. Mais les moyens en péril ne sont pas seulement économiques, ils sont surtout humains. Le soutien continu de l’Etat à sa politique de psychiatrie de secteur, condition essentielle pour que les équipes de soignants assurent une fonction phorique indispensable à l’accueil des pathologies les plus graves, est remis en cause depuis plusieurs mandatures politiques pour des raisons purement démagogiques. Le démantèlement de la psychiatrie qui est ainsi engagé est d’autant plus cynique que nous savons maintenant que le dispositif de la sectorisation est sans doute la plus grande révolution culturelle psychiatrique du vingtième siècle, et qu’il assurait de façon toute humaine un cordon de sécurité sanitaire autour des patients les plus en difficulté, et a fortiori, de tous les autres.
La psychothérapie institutionnelle née pendant la deuxième guerre mondiale et qui a donné vie à la psychiatrie de secteur est aujourd’hui d’une actualité cruciale, et tout doit être fait pour en transmettre l’histoire et les pratiques concrètes aux jeunes générations de « psychistes ». A un moment de l’Histoire où un tyranneau en revient à des pratiques barbares consistant à « exécuter » les toxicomanes philippins sans sommations (le Monde du 10 Octobre 2016), il est urgent de rappeler qu’on juge du degré d’une civilisation à la manière dont elle traite ses malades et ses prisonniers.
Pr Pierre Delion