Décembre 2020 « Je rencontre Monsieur M. dès son arrivée dans notre service pour Covid. Anxieux, à l’idée de s’aggraver et de mourir, il pleure, parle de ses enfants, de ses petits-enfants, de son épouse. Il raconte la chasse, la cueillette des champignons. Il évoque le décès de son père quand il avait 11 ans et sa vie difficile. Il me raconte sa greffe, ses maladies, et il ajoute : “Il faut bien que ça s’arrête un jour”. Le lundi suivant, je suis présente dans la chambre avec l’équipe de soignants qui s’apprêtent à l’endormir pour l’intuber. Je tente de le réconforter, je lui dis que je viendrai lui faire entendre des messages de sa famille, et que je lui passerai les morceaux de musique qu’il aime. Il aime l’accordéon et danser avec sa femme (larmes). Il nous dit adieu quand l’infirmière le prévient qu’elle lui administre la sédation. Nous l’assurons, avec mes collègues, de notre soutien, de notre présence jusqu’à l’endormissement... Nous tentons de le rassurer. Dans ce temps de restriction des visites, je viens lui faire « écouter » tous les jours des messages de ses proches. Je passe des morceaux de fado, je lui parle et décris ce qui se passe, ce qu’il y a dans la chambre. Peut-être mes paroles lui parviennent-elles. Hier, comme émue par mes propres mots, par ma présence, si proche, les larmes me sont venues. À la demande de sa femme, je lui passe la chanson sur laquelle ils se sont rencontrés. Nous sommes en contact téléphonique quotidien. Madame réussit à venir malgré son angoisse. Ce jour-là, elle se dira contente de l’avoir vu et contente de me voir aussi, après m’avoir entendue si souvent au téléphone. Hélas, Monsieur se dégrade… et meurt… C’était ma « première intubation », et avec, le sentiment d’une tromperie.…
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Etre psychologue en réanimation à l’épreuve du cadre et du corps
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