À l'occasion de la parution de son dernier ouvrage, Régine Prat revient sur son parcours, sur la notion de tact-pulsion, ainsi que sur l'intérêt d'une perspective transdisciplinaire pour penser la naissance du psychisme. Propos recueillis par Sophie Martineau, avec la collaboration éditoriale de Jérémy Tancray.
Carnet Psy - Régine Prat, vous venez de publier un ouvrage qui met en avant l’idée d’une pulsion primaire que vous proposez de nommer « tact-pulsion ». Cette notion apparaît comme un point de jonction entre les tenants de la théorie de l’attachement et ceux de la pulsion freudienne. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
Ce que j’ai appelé « tact-pulsion » traduit l’idée qu’avant d’être sexuelle la pulsion est quelque chose qui « pousse » à toucher, un intermédiaire entre somatique et psychique très précoce dans le développement. Cela commence dès qu’une information sensorielle peut être somatiquement perçue par le futur sujet, et que celle-ci doit être traitée. Plus qu’un point de jonction, tact-pulsion est le soubassement de l’attachement, la force interne qui pousse vers la rencontre du monde, de l’autre que soi, et qui guide tous les comportements prénataux. Après la naissance, la pulsion primitive va s’incarner dans la relation à l’autre, et se réaliser en conduite d’attachement ainsi qu’en éprouvé de tendresse. Cette approche constitue un infléchissement majeur par rapport à celle de Freud qui considérait la pulsion sexuelle comme première et la tendresse comme une « pulsion inhibée quant au but », c’est-à-dire dont le but sexuel persistait, mais sous une forme inhibée ou refoulée. Si l’on considère le contact comme le but premier de la pulsion, la tendresse — affect qui lui est associé —, devient dès lors l’affect central et premier. Penser la pulsion comme un processus qui s’ancre dans les…
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