Il est difficile d’envisager que cette addiction, la plus massive en France, ne soit plus d’actualité. Les faits demeurent : 3e cause de mortalité, après les affections cardio-vasculaires et les cancers (compte non tenu que l’alcool entre pour une part non négligeable dans l’étiologie de l’hypertension artérielle et des cancers des voies aéro-digestives supérieures). Un malade hospitalisé sur 3 ou 4, quel que soit le motif de son hospitalisation, est ce qu’on appelle pudiquement un « buveur à risque ». Que la consommation d’alcool par habitant baisse n’y change rien et ne prouve nullement que c’est là le succès des campagnes de prévention, car, comme le faisait remarquer Pierre Fouquet, la même baisse est observée dans les pays qui n’ont pas fait de telles campagnes : la consommation diminue, pas l’alcoolisme.
Passés ces constats statistiques, on ne peut accepter que, sous couvert d’inclusion – justifiée – de l’alcoolisme dans le cadre des addictions, la dite inclusion dans la nébuleuse de « l’addictologie » risque, une fois de plus, de reléguer les alcooliques au sort de parias de la clinique et de la thérapeutique. Non que l’auteur de ces lignes répudie le concept et la discipline susdits, car il en a été, avec Joyce Mc Dougall, Jean Louis Pédinielli, et peut-être une poignée d’autres praticiens, l’introducteur dès les années 70. Le mérite du terme générique était, entre autres, de centrer les problèmes non plus sur le seul produit, légal et « banal », mais sur la conduite humaine, et d’ouvrir la voie à une véritable perspective psychopathologique.
Or la mode du mot s’accompagne d’un fait inquiétant : il devient vidé de son contenu, dont l’essentiel était de repérer un procédé de court-circuitage des processus d’élaboration psychique, l’approche thérapeutique étant essentiellement, à l’origine, de faciliter la…