Cet analyste, homme du pulsionnel et de la passion, parce que l’esprit ancré dans le corps, parlant tous les âges comme d’autres parlent toutes les langues, capable de silences chaleureux avant de repartir en guerre contre le dévoiement des concepts, n’aurait jamais pu réaliser son « œuvre » sans le concours de ces compagnons de route que furent pour lui ceux dont la folie privée savait faire résonner avec la sienne : peintres, écrivains, musiciens, poètes, hommes de théâtre.
De Shakespeare dont il disait qu’il avait été son analyste, il fut captivé par Hamlet. Celui même qui, au souvenir réveillé de la grandeur de son père disparu, dit à Horatio l’avoir vu « In my mind’s eye », avec « les yeux de l’âme ». « Comment regarde-t-on une pièce de théâtre, avec les yeux de la chair ou ceux de l’âme ? » demande Green. Question centrale qui s’applique à une séance de psychanalyse. Voyons-nous alors, de tous nos yeux revoyons-nous alors, les tableaux qui se décident à revenir nous revisiter en se projetant sur les murs du cabinet de l’analyste, avec les yeux de la chair ou avec les yeux de l’âme ? L’âme étant une façon comme une autre de nommer le cœur.
Sa pensée et son écriture, comme sa vie, ne cessaient jamais de prendre corps dans l’expérience. Pour lui, le travail de la pensée et celui de l’écriture, qui permet de se lire, présupposaient une plaie et une perte, une blessure et un deuil dont l’œuvre serait la transformation. Qui tenterait de répondre à quelques questions fondamentales : comment rendre visible l’inouï et audible l’invisible ? Comment cesser d’être sourd à la plainte sourde du corps ? Comment figurer l’informe et faire parler les voix du silence ?
Nombreux…
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