A l’adolescence, les conduites suicidaires représentent une préoccupation de santé publique. Mais elles n’ont pas, loin de là, une signification unique : les tableaux qu’elles révèlent vont du plus banal au plus pathologique. L’impulsivité pubertaire de l’un n’a que peu à voir avec la dépression mélancolique d’un autre. Le défi lancé à la mort en prenant des risques excessifs sur un scooter n’a guère de parenté avec le passage à l’acte du jeune psychotique halluciné. C’est dire les dangers d’un regroupement artificiel des tentatives de suicide qui viserait à accréditer l’idée de modes de prise en charge communs. L’hétérogénéité psychopathologique plaide au contraire en faveur de modes de réponses diversifiés qui toutes, bien entendu, viseront à éviter la répétition suicidaire en en soignant mieux les raisons.
Les jeunes lycéens et étudiants que nous accueillons dans notre établissement y viennent en moyenne pour une période longue de plusieurs mois, en dehors d’un contexte urgent, ce qui ne veut pas dire que le risque de geste suicidaire soit éloigné. Parmi toutes les situations rencontrées qui présentent des antécédents suicidaires et qui balayent l’ensemble des troubles psychiatriques de ce groupe d’âge, nous choisirons d’évoquer les pathologies narcissiques. Elles sont de plus en plus fréquemment rencontrées, qu’elles soient nommées personnalités border-line, troubles de la personnalité … Elles posent des questions difficiles aux équipes soignantes dans leur prise en charge, la dimension impulsive recouvrant volontiers une dépression peu visible pendant longtemps.
Eléonore est tout juste majeure. Après avoir réussi le baccalauréat, elle s’est inscrite en classe préparatoire aux grandes écoles où elle s’est rapidement trouvée en échec. Après s’être infligée des scarifications qui n’ont donné lieu qu’à des soins à la maison par ses parents, elle tente de se suicider. Un…