Les écologues, ces cliniciens de la biosphère, sont les messagers d’une désillusion contemporaine. Après Copernic et Galilée — l’homme n’est pas le centre de l’univers — Darwin — l’homme est inscrit dans l’évolution des espèces — et Freud — l’homme est dirigé par son inconscient et habité par une pulsion de mort, c’est au tour de la pensée écologique des sciences de l’environnement d’infliger à l’humanité une désillusion, une blessure narcissique culturelle, le poids d’une finitude nouvelle.
La notion d’écosystème implique que l’être humain n’est qu’une maille dans le tissu du vivant, un « enfant de la biosphère » (Magnenat, 2019) aussi dépendant d’elle qu’un nourrisson l’est de ses parents. Par conséquent, la notion d’écosystème accroît considérablement notre sentiment de dépendance. Elle étend ce que nous considérons comme notre communauté d’appartenance au monde non-humain des micro-organismes, de la flore et de la faune. Elle l’étend également à l’univers de nos déchets (Magnenat, 2021).
Avec la pensée écologique des écosystèmes, ce qui est hors de la vue n’est plus hors de la pensée ni hors de notre monde, car le monde de « l’ailleurs » n’existe plus (Morton, 2013). Dans le monde sans intérieur ni extérieur de la biosphère, ce que nous évacuons nous revient sous la forme d’une crise environnementale. La notion d’écosystème nous plonge dans un « monde-plus-qu’humain » (Pughe, 2022), car, avec la crise environnementale, les micro-organismes, la flore, la faune et nos déchets sont désormais entrés de plain-pied dans notre vie politique.
L'hyperobjet
Les sciences de l’environnement nous apprennent qu’homo sapiens n’est pas seulement un grand fabricant d’outils, d’objets et de déchets. Il est aussi, à son insu, un fabricant d’hyperobjets, relève Timothy Morton (2013). Un hyperobjet…